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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


" Cette année, il y eut une grande agitation en Angleterre, en conséquence de l'invasion des Danois, qui sèment la terreur et dévastation où qu'ils soient allés, pillant et brûlant et détruisant le pays..."
("Chroniques anglo-saxonnes", 1001)

Que dire de ce nouvel opus de Ken Follett ?
Le Crépuscule et l'Aube - þā æften and þā morgenleoht, dirait Edgar le bâtisseur dans sa belle langue anglo-saxonne, quelque soixante ans avant la conquête normande. Ou l'Aube et le Crépuscule...?

J'ai commencé la lecture du nouveau Follett avec l'enthousiasme habituel, mais elle s'est doucement achevée sur un crépuscule total de toutes mes bonnes intentions de coller quelques qualificatifs positifs à ce précaire préquel des "Piliers".
Et pourtant, quelle époque fascinante Ken nous a sorti cette fois du fond de sa poche ! Regardez donc un peu...
En 997, l'Angleterre est déjà largement christianisée depuis plus de trois siècles, après avoir subie des vagues successives de colonisations diverses depuis l'époque romaine. Les tribus des Angles, Saxons et Jutes arrivent de l'Europe de nord au 5ème siècle, du nord de l'Angleterre attaquent les Pictes et Scots sauvages, et à partir du 9ème siècle les mythiques Vikings pillent les côtes anglaises et mettent à sac les monastères, centres du savoir de l'époque. le nom "Dark Ages" est très à propos ! Ces raids se calment un peu quand la partie est de l'Agleterre est cédée aux Danois, qui y établissent leur colonie : le fameux Danelaw. Tous ces échanges et influences ne sont pas néfastes : l'Angleterre anglo-saxonne est un véritable melting-pot où chacun s'inspire de l'autre, y compris pour la langue, avant que la conquête normande ne la transforme à tout jamais. Danelaw voit sa fin vers 950, et les raids vikings reprennent de plus belle. C'est dans cette période chaotique et mouvementée que Follett a décidé de situer son roman.

Que dire de l'intrigue ?
Le port de Combe est pillé par les Vikings et la famille d'Edgar, le jeune constructeur de bateaux, est obligée de chercher la fortune dans un hameau paumé de Dreng's Ferry, où vous ne voudriez certainement pas vivre, même si la bière y est plutôt bonne. La polygamie, la maltraitance des esclaves et le dur travail pour subsister y sont le pain quotidien. Les moeurs dans le petit monastère local sont quelque peu relâchés, et la loi du plus fort règne.
En même temps, on va rencontrer Ragna, l'unique fille du noble comte de Cherbourg, qui tombe sous le charme d'ealdorman Wilwulf, et va quitter la Normandie pour se marier en Angleterre.
Les deux protagonistes vont devoir s'adapter à leur nouvelle vie, et le roman commence bien, très bien même, car chacun aura un tas d'obstacles à surmonter. Ken prépare les pièces de son échiquier avec soin, et même les personnages secondaires ne sont pas sans intérêt : le jeune moine Aldred qui rêve de créer un centre de savoir, l'évêque Wynstan pétri d'ambition, ou le sheriff Den, le seul représentant du pouvoir royal sur place.
Puis, il se passe quelque chose d'étrange... Ken (et c'est bien la première fois que cela lui arrive !) se met en pilote automatique dès le début de la deuxième partie, et son roman anglo-saxon commence à ressembler de plus en plus aux "Piliers de la terre".
J'avais l'impression de lire le même scénario : un jeune bâtisseur surdoué qui fait sa fortune, une belle femme forte et décidée, un humble prieur qui oeuvre pour la gloire de Dieu - tous empêchés d'agir par la malveillance des méchants puissants.
Mais Edgar n'est pas Jack et Ragna n'est pas Aliena, loin de là ! Aldred n'est pas Phillip, et même le fourbe Wynstan est loin d'atteindre la subtile perfidie de Waleran des "Piliers". On ne peut pas comparer le cocktail Molotov qui a jadis enflammé les coeurs des fans de Follet avec une pareille limonade !

Certes, Ken nous concocte quelques épisodes bien palpitants - fabrication clandestine de fausse monnaie, incendie, enlèvement - mais tout cela retombe pour ainsi dire dans le néant, sans vraiment se répercuter dans l'histoire qui semble piétiner sur place. Les dernières cent pages sont presque insoutenables, tellement tout se remet en place d'une façon quasiment miraculeuse. Les méchants sont punis et les gentils récompensés, Edgar et Ragna - attention, terrible spoiler !! - unis pour toujours (merci, fin du spoiler), et la phrase finale arrive si brusquement que la tête me tourne encore. C'est donc pour cela, toutes ces heures passées devant la tapisserie de Bayeux ? Ah, Ken... !
Et pourtant, je ne peux pas dire non plus que j'ai détesté le roman. Ken reste un conteur hors pair, comme d'habitude il s'est bien renseigné sur l'époque (j'ai seulement un petit doute sur les nombreuses soieries portées par Ragna), et la réalité du haut Moyen-Âge est soulignée par mille petits détails sympathiques du quotidien. Décor bien réel, dans lequel évoluent ces protagonistes étrangement bi-dimensionnels, plats comme un modèle topographique de Hollande.
850 pages d'un agréable ennui, pour arriver à la construction d'un pont en bois qui va changer le nom de Dreng's Ferry en King's Bridge... cela fait vraiment beaucoup !
Quelque chose comme 3/5; Ken nous a montré qu'il sait faire beaucoup mieux que ça !

P.S. : Si ce sont les Vikings qui vous intéressent avant tout, courez vite chercher le dernier numéro spécial d'Historia (novembre/décembre 2020); il est bien intéressant !
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