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Critique de afriqueah



Philippe Forrest a perdu une petite fille de 4 ans, cancer, et il écrit, non pas par calcul littéraire ou par fascination morbide. Pour écrire sur son chagrin, celui de sa femme, celui de son père, celui des soignants, celui, plus général et indiscutable, de ceux qui partagent « l'extraordinaire immobilité du chagrin, l'effarement inaltéré devant la vérité. »
La plupart des médecins pratiquent pourtant, à force de voir mourir, une politique volontariste de la bonne humeur masquant une « interminable tristesse. »

Philippe Forrest analyse : pourquoi la mort d'un enfant ? Autant on peut imaginer qu'une mauvaise vie, un pessimisme récurrent, des problèmes pas résolus et latents, le désir inconscient de mourir, justifient pratiquement le cancer, autant la pensée, quand il s'agit d'innocents, est stoppée. le cancer, dit Forrest, « frappe aveuglément sans se soucier de savoir qui est digne de vivre et qui mérite de mourir ». de plus, dit-il, les exhortations à lutter contre la maladie en fait une sorte de mythe dénoncé par Suzan Sontag. Non, il n'y a pas de justice quant on parle de la mort, pas de culpabilité à avoir, pas de pardon à demander, pas d'attitude propice à la guérison.

Cela advient.
La mort , surtout celle d'un enfant, alors que l'on voudrait absolument la partager , en parler, car c'est ainsi que je comprends les livres de Philippe Forrest, tournant autour de cette infamie, touche cependant aux règnes du sacré, dans les sociétés primitives étudiés par Frazer, comme dans notre société qui se prétend moins primitive.
La mort, tabou, mieux vaut s'en éloigner, l'enfouir pour éviter la contagion.
Le chagrin porte en lui une réprobation devant l'insouciance des vivants, mais comment pouvez vous continuer à danser, comme si ce qui vous attend n'existe pas ?

Pourtant, ce livre ne reproche rien à personne, lui aussi a continué de vivre, et d'écrire ; il affirme que le chagrin de la perte d'un enfant ne se guérit jamais, mais on continue.
Ecrire l'a-t-il sauvé ? NON.
Peut-on le consoler ? NON.
Cependant, dit-il, « que vaudrait un livre sec et sans larmes ? »
Philippe Forrest nous donne un livre de philosophie, avec ses doutes, sur, en premier, la question de si écrire plusieurs livres sur la mort de sa fille ne cachait pas un désespoir plus profond, celui de vivre.
Doutes du philosophe.
Ce livre, au moment où je pleure la mort d'un de mes meilleurs amis, Jean Paul, et où je choisis de partager mon chagrin, m'émeut encore plus à sa relecture.
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