AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fleitour


J'ai plongé dans le livre de Mathilde Forget, comme dans un aquarium géant, je n'en suis sorti qu'à la dernière page, là où elle a écrit, page 155, je remonte à la surface, comme si je ne l'avais pas quitté des yeux.
Son histoire, est si proche de mon histoire, que ses mots j'imagine les avoir prononcés un jour. Et pourtant chaque itinéraire de vie est forcément différent. Il y a pour moi à travers son témoignage comme un mystère, un quelque chose qui rapproche les enfants qui ont perdu leur mère.


Elle ne pleure jamais au bon moment, comme c'est juste, comme cette phrase colle à la peau de Mathilde, elle dira elle-même, page 76, " j'ai voulu pleurer pour réhabiliter mon coeur". C'est tout l'attirail affectif lui même qui fut débranché. Elle fait cette déclaration sublime, et "mon coeur s'est littéralement effondré dans ma poitrine pour finir au fond de mon ventre".
La suite s'écrit avec une limpidité de glace, "j'ai grandi en observant de loin mon chagrin sur les joues de ma soeur".


Quand il lui faut dessiner pour la Fête des Mères, ce petit quelque chose, qui est une fête de douceur et de tendresse, la maîtresse l'invite à montrer à son père, qu'il est devenu pour elle sa vraie mère.
Mais tout cela sonne faux, alors elle dessine des loups avec une tête de requin, puis elle souligne ; " Victor ( et non papa ) est une bonne mère".


Le plus poignant est l'épisode où elle téléphone aux pompiers, par ce que la peur la serre, voir sa soeur Suzanne faire une bêtise comme la maman. Elle l'accompagna à l'hôpital, "le Ruisseau". Je pense à la petite fille qui retournait voir Suzanne et qui l'apercevait dans l'encadrement d'un petit sas, découpé dans la porte. Sa soeur comme la petite bête dangereuse d'un zoo. Car "il faut être en bonne santé pour que le psychiatre vous parle, et être respecté".


Comment partager un tel drame, demain on lui dira, "tu n'as pas de coeur". Mathilde n'a pas de coeur, elle a grandi trop vite. Walt Disney a bien raison avec des enfants qui ont perdu leur mère ça va beaucoup plus vite pour apprendre la vie, on ne s'embarrasse plus du coeur.
Mais Suzanne comment la ramasser, comment la retrouver, combien d'années faut-il pour la reconstruire, combien d'années pour un frère ou pour une soeur passé par les électrochocs.


Ici la mode n'est qu'une saison celle de la nuit. "Sa mère était de garde toutes les nuits, elle travaillait dans les cimetières", lança un jour Mathilde par dérision.
La lumière est diffuse dans la nuit," avec Victor elles peuvent parler de tout, de tout ? Sauf de la mort de Pauline. Ses yeux rouges l'en empêchent".


Le récit édifie un témoignage profond, d'une indescriptible justesse, où les mots percutent, et s'écrasent d'un bloc. Il y a dans le regard des enfants meurtris une violence retenue, un calme feutré, une douceur farouche où la moindre étincelle peut déclencher la foudre, une douceur susceptible, jusqu'à mourir pour les siens. L'image du requin, incarne tout à la fois l'étincelante écriture de l'auteure, et l'indéfectible besoin de survie, d'humour et d'espoir.
Commenter  J’apprécie          431



Ont apprécié cette critique (42)voir plus




{* *}