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Critique de PhilippeCastellain


Poursuivant la découverte d'Anatole France, j'ai donc attaqué ‘L'insurrection des anges ‘. Et le verdict est implacable : voici un auteur qui mérite amplement d'avoir une rue à son nom dans chaque ville de France, et qui n'a pas du tout mérité qu'on oublie pourquoi !
Pour un auteur de la fin du XIXème la lecture est surprenante de fluidité et de clarté
Le style est brillant, plein d'ironie et de vivacité ; le sujet est complexe, magistralement traité, et doté d'une lecture à plusieurs niveaux.

Tout commence dans une bonne famille de la grande aristocratie catholique, les d'Esparvieu. le patriarche, grand amateur de livres, a bâti une fabuleuse bibliothèque.Son responsable, Monsieur Sariette, un petit vieillard atrabilaire et monomaniaque, la garde comme Cerbère la porte des enfers. Mais voila que des livres se mettent à disparaître. le coupable : l'ange gardien du jeune Maurice d'Esparvieu, qui veut se cultiver. Au fil de ses lectures, il découvre que Dieu n'est qu'un imposteur ; il décide donc de s'incarner pour prendre contre lui la tête d'une révolution !

Tout l'art d'Anatole France consiste à renvoyer tout le monde dos à dos. D'un point de vue sociale, la grande bourgeoisie catholique dissimulant ses turpitudes sous la pudibonderie ; et les délires de la bohème. D'un point de vue politique, la critique de l'absolutisme et des monarchistes est impitoyable ; mais il conclut qu'une révolution n'arrivera qu'à mettre au pouvoir des despotes encore pires. Très prophétique, si l'on songe que le livre est paru en 1914. Les milieux d'affaires, et leurs liens incestueux avec la Troisième République, prennent également leur banderille au passage.

Mais c'est surtout sur le sujet religieux qu'on touche au grand art. Car même si le sujet consiste à nier la toute-puissance de Dieu, il n'en reste pas moins qu'il existe et que cette révolution est menée par des anges ! D'où l'insurmontable problème d'un des personnages, athée : il est d'accord avec l'ange, mais ne croit pas à l'existence de ce dernier. Les religieux et les non-religieux en tireront leurs conclusions. Mon opinion, pour ce qu'elle vaut, est qu'Anatole France répugnait autant aux excès de la religion qu'à ceux du matérialisme.

Précisons que rien dans tout cela n'est sardonique, mélodramatique, outragé ou révolté : tout reste léger comme une opérette d'Offenbach, et d'ailleurs à bien des égards on est plus dans la satyre sociale que dans la critique. Anatole France constate la réalité du monde et que ma fois, ce n'est pas très beau mais somme toute ça ne marche pas si mal comme ça. En fait, il semble avoir une tendresse pour chacun de ses personnages, du fils de famille débauché à la vivandière trompée, leurs petits arrangements avec l'honnêteté et leurs grosses ficelles.

Son sec rejet de la cause révolutionnaire explique mieux pourquoi il fut l'objet de si furieuses attaques d'Aragon. Pour moi, je suis définitivement conquis par son style et son habileté narrative !
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