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Critique de Cancie


Cancie
25 décembre 2023
Un fait divers a défrayé la chronique en 2013 lorsqu'un couple d'octogénaires s'est donné la mort à l'hôtel Lutetia, le célèbre palace parisien.
Émilie Frèche s'en est inspirée, leur pacte suicidaire et la revendication du droit à choisir l'instant de sa mort ont été le point de départ de son roman, Les amants du Lutetia.
Même si Émilie Frèche a inséré quelques éléments et personnalités réels, les personnages de son livre, Ezra et Maud Kerr, ces riches publicitaires sont eux, des êtres de fiction.
C'est leur fille unique Éléonore qui en est la narratrice et que l'on trouve effondrée, avec la sensation d'être invalide, au début du récit. Venant d'apprendre que ses parents ont été découverts allongés, main dans la main, sans vie, par un garçon d'étage de l'hôtel Lutetia, le chagrin le dispute à l'incompréhension dans son esprit.
Cette architecte divorcée, dont l'ex reste un véritable ami, mère d'un garçon Simon de vingt-trois ans ne comprend pas. En compagnie de son fils, ils venaient de passer le week-end avec eux qui allaient avoir quatre-vingt-six et quatre-vingt-huit ans, dans leur sublime domaine des Bulles à Ramatuelle, et rien ne laissait présager ce geste.
Izra et Maud, dont les parents juifs étaient tous morts pendant la guerre, ont formé un couple fusionnel dès leur rencontre, et sont devenus un couple vedette de la publicité française par leurs idées avant-gardistes, en créant leur propre agence M.E.K (leurs initiales), en vendant des rêves ... Ils sont les incarnations vibrantes des dernières décennies euphoriques du XXe siècle.
Cette planification de la mort, spectaculaire et de leurs funérailles pour le moins extravagantes, à l'image de leur vie laisse à Éléonore un sentiment de trahison et de rancoeur.
En remontant dans ses souvenirs, elle évoque une enfance où elle s'est la plupart du temps sentie de trop, où elle n'avait pas sa place dans ce couple fusionnel.
Le legs compliqué de leur maison des Bulles, conçue pour le roman, par Jacques Couëlle, sera peut-être pour Éléonore, une manière d'avancer vers une plus grande compréhension de leur acte.
Dans Les amants du Lutetia, l'auteure nous emmène dans cette époque des années 1970 à 1980, ces folles années où tout paraissait possible et où ceux qui avaient réussi se laissaient emporter dans un tourbillon de folie, d'où ce sentiment d'avoir peu compté et ce sentiment d'abandon avec des parents absents, que ressent Éléonore. Une possible explication aussi pour cette mort programmée avec tout le faste comme un dernier tour d'honneur, leur dernier coup de pub, avant que la maladie et la déchéance physique ne surviennent, avant qu'ils ne soient mis en fragilité.
Pouvoir planifier sa fin de vie, pour le droit de mourir dans la dignité, en absorbant un produit létal préalablement délivré, un des thèmes du roman, est un sujet de société bien actuel et qui fait débat. Entre euthanasie, suicide assisté, sédation, la fin de vie apparaît comme une prochaine liberté à conquérir.
Les relations familiales et leurs difficultés sont largement abordées par l'écrivaine. Que ce soit la relation entre la narratrice et ses parents ou encore avec son fils Simon.
Une suggestion de la psychologue à Éléonore m'a paru particulièrement intéressante : « Si vivre dans la rupture vous coûte trop, alors je vous conseille d'écrire. »
J'ai trouvé original et bien contemporain le rôle que vont jouer les réseaux sociaux, en l'occurrence ce compte Instagram ouvert par Simon, un mois après le suicide de ses grands-parents, pour leur rendre hommage, montrer qui ils étaient et le rôle majeur qu'ils ont joué dans l'histoire de la publicité, et aussi pour défendre leur dernier geste. Il n'hésitera pas d'ailleurs à lancer une pétition sur change.org réclamant « l'inscription du droit de mourir dans la dignité au rang de nos droits fondamentaux. »
Le coeur de ce roman est ce couple fusionnel qui a vécu un amour où la dépendance était réciproque, reconnue et assumée par les deux partenaires.
S'il se lit facilement et aborde des sujets intéressants, j'ai été cependant vite saturée par cette débauche de richesses, ces fêtes fastueuses (allusion est faite aux paradis fiscaux) et déçue par un style trop impersonnel pour laisser la place à l'émotion.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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