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Critique de Enroute


Mollement convaincu par les explications antérieures sur la définition - vague -, la description du comportement - souvent péjorative -, et la motion de la foule - limitée au recours à la suggestion dont il rappelle que personne ne sait bien ce que c'est -, Freud entreprend de donner son point de vue. Et comme la suggestion - qui l'a mené à développer la psychanalyse à partir de l'observation des transferts - est un phénomène qu'il rapproche de l'amour, il en réexplique les principes différenciés avant de les appliquer à deux exemples de foules, qu'il choisit "permanentes", où les femmes auront donc (?) un rôle réduit : l'Église et l'armée.

A noter que les réserves éventuelles à désigner par le terme de "foule" la chrétienté - dont les membres ne sont pas réunis en un même endroit - et l'armée - dont on conviendra qu'elle se caractérise plutôt par l'ordre cohésif que par l'agitation incontrôlable - s'évanouissent si l'on reprend le texte original allemand, qui lui parle de manière plus pesante et moins située de "masse" (Massenpsychologie). Il n'est donc pas tout à fait certain d'emblée que la "folie révolutionnaire" que Lebon voyait peut-être dans ce qu'il qualifie de "foule" soit exactement l'expérience que Freud a faite du "groupe animé d'un même élan" auquel il s'intéresse (d'ailleurs le titre en allemand de l'essai de Lebon est "Psychologie der Massen" - comme quoi on change un mot et on ne parle plus de la même chose). Donc Lebon voulait parler des foules et Freud de la masse. Les deux points de vue pourraient se rejoindre dans le terme générique et plus neutre de "collectif". Néanmoins, la présente critique parlera de "masse" puisque c'est ce dont veut nous parler Freud.

Après moult tergiversations qui nous ont menés au mythe d'un chef primitif ultra autoritaire et avant lui d'une déesse mère qui a fait de son fils préféré un héros mythique, les explications sont que la "masse" réagit comme l'hypnotisé : l'idéal du moi est remplacé par l'objet du chef (Jésus-Christ ou commandant en chef), mais qu'en plus, les membres de la "masse" s'identifient entre eux, ce qui limite somme toute l'effet hypnotique. C'est que la position autoritaire du chef, qui se distingue par sa liberté, engage les membres de la "masse" à rationaliser leur jalousie - que l'un d'entre eux soit préféré aux autres - en une exigence d'égalité, créant un sentiment de "camaraderie" (ou solidarité).

Amour donc, mais aussi liberté, égalité et solidarité (fraternelle puisque développée sous forme de camaraderie dans l'armée et entre frères chrétiens) organisent la "masse" autour de ce qui ressemble à un véritable programme politique... Mais si la nation est une "masse", que la chrétienté est une "masse" et que l'armée au service de la nation en est une autre, il se pourrait qu'on perde le sujet en le généralisant peut-être un peu trop... Dommage cependant que la "suggestion" rapidement enterrée que le "chef" puisse être un idéal abstrait, une simple "idée directrice" (p. 30), n'ait pas été approfondie : on aurait eu, avec un peu de philosophie de l'Histoire, une véritable théorie sociale de tout regroupement humain... une théorie sociale "en somme".
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