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Critique de Henri-l-oiseleur


Je me suis procuré cette version française du texte et je l'ai trouvée bien écrite et belle à lire. L'assyriologie, étude des anciennes langues et littératures de Mésopotamie, est si majoritairement anglophone qu'on ne pense pas tout de suite à chercher dans le peu d'ouvrages français disponibles. Les textes de cet ensemble consacrés à Gilgamesh peuvent s'étudier avec de bonnes grammaires, de bonnes versions aident à corriger les erreurs du lecteur, de bonnes études l'éclairent, mais tout est en anglais !

Est-il légitime de parler d'épopée ici ? Ce mot, postérieur au cycle de Gilgamesh, est-il pertinent pour le désigner ? Même s'il n'y a pas de guerre à proprement parler, Enkidu et Gilgamesh accomplissent des exploits surhumains, dans la forêt des Cèdres ou contre le Taureau Céleste : on peut donc qualifier l'ouvrage d'épopée, sans les effets de masse, ni les tensions entre individu et société auxquels Homère nous a habitués. La quête d'immortalité de Gilgamesh privé de son ami est épique dans la mesure où là encore, il accomplit de grands exploits, non guerriers et martiaux, mais dans sa lutte contre la nature et les obstacles matériels (les Hommes-Scorpions, les Montagnes des Ténèbres, la Mer Périlleuse). Sa quête métaphysique, en revanche, nous éloigne de la tradition épique postérieure, puisque Achille, Hector ou Ulysse ne se rebellent jamais contre le destin mortel des hommes mais s'y soumettent sans discussion. La motivation du héros, la vie éternelle, a tout pour nous dépayser et nous éloigner de nos cadres occidentaux.

Enfin, autre différence notable, le style. Il est difficile d'imaginer la scansion et les sonorités des vers akkadiens, et c'est totalement impossible pour la poésie sumérienne. La phrase, cependant, est simple, répétitive souvent, manifestement écrite pour la déclamation orale, mais sans aucun des ornements rhétoriques et sans le souci raffiné du style de l'épopée grecque : Eric Auerbach, dans son livre Mimesis, soulignait la rudesse des récits bibliques, qui choquait les amateurs gréco-latins de littérature. Il en va un peu de même ici : le parti-pris de simplicité pourrait faire penser, dans une certaine mesure, au roman médiéval en vers, où la plus grande clarté d'expression est au service du récit.
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