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Critique de Blok


Ce livre est un ouvrage de référence pour les théoriciens du complot. Garisson était procureur à La Nouvelle Orléans, donc irréprochable a priori.
Il faut cependant nuancer : aux USA, le procureur (attorney general) cumule les fonctions du procureur français et du juge d'instruction. Il est seul maître de l'enquête. Par ailleurs, c'est aussi un homme politique, ses fonctions étant électives
Un mandat d, attorney general avec de "belles" condamnations permet de doper une carrière politique et est un bon tremplin pour des fonctions plus élevées par exemple un mandat de gouverneur
D'où la tentation de faire du chiffre. Beaucoup de procureurs n'hésitent pas à dissimuler des preuves favorables à l'accusé, voire à en forger contre lui. On trouve toujours un petit délinquant, souvent un toxicomane, prêt à porter un faux témoignage contre une remise de peine. Un toxico, Garisson en a justement un dans son dossier, qui se retractera au cours du procès. (Et tant pis pour les justiciables qui n'ont pas les moyens de payer un grand avocat et des enquêteurs privés. C'est ainsi que l'on ne trouve que des pauvres, souvent condamnés sur un dossier monté contre eux dans les quartiers des condamnés à mort. Mais assez médi de nos"amis" américains,)
En tout cas Garisson a pu voir dans le dossier Kennedy une affaire en or, sur laquelle il s'est précipité. le dossier ayant fait "pschitt" pour reprendre l'expression de l'un de nos défunts présidents, Garisson n'en toucha pas les bénéfices escomptés. Après avoir pousuivi ses fonctions quelques années, il fit l'objet d'une enquête fédérale pour fraude fiscale et perception de revenus illégaux provenant d'exploitants de machines à sous clandestines
Acquitté, il abandonna un temps la magistrature pour travailler comme lawyer privé, et réussit ensuite à de faire élire juge à la Cour d'Appel de l'Etat de Louisiane. Les complotistes diront que les comploteurs lui ont fait payer son enquête
Mais revenons à l'Affaire Kennedy

C'est sur le livre de Garisson que se basera Oliver Stone pour son film« JFK » (1991), lui-même monument du complotisme, et bénéficiant du pouvoir de conviction du film à thèse, qui, de par sa nature même d'oeuvre cinématographique, « montre » ce qui est censé s'être basé ; dès lors le spectateur a « vu ce qui s'est passé. C'est ce qui fait d'ailleurs du film à thèse un genre peu recommandable.
Pourtant la théorie de Garrison est totalement inconsistante, ne s'appuie sur aucune preuve matérielle, mais seulement sur les déclarations inconsistantes de quelques témoins, qui seront pour la plupart convaincus de mensonge après passage au détecteur de mensonges ou se rétracteront.
D'ailleurs le journaliste du magazine Life avec lequel Garisson avait passé un accord d'exclusivité refusera de publier quoi que ce soit vu les lacunes du dossier 
Venons-en aux faits.
Le procureur Garrison se saisit lui-même de l'enquête à l'automne 1966, ce qu'il peut faire en raison du fait qu'Oswald avait fait des séjours à La Nouvelle Orléans, ce qui permet à Garrison de se rattacher à l'assassinat, pour lequel il était incompétent ratione loci.
Il trouve diverses personnes supposées avoir été en rapport avec Oswald, et des témoins supposés les avoir vu ; en dehors de cela il n'aura jamais ni mobile, ni preuve matérielle.
Il n'est pas possible évidemment de reprendre ici en détail l'enquête, mais je donne quelques exemples du « sérieux » de ses méthodes :
-l'un des suspects, David Ferrie (dont on ne sait d'ailleurs pas ce qui le relierait à l'affaire) , décède à son domicile ; pour Garrison, la pression de l'enquête judiciaire l'a poussé à mettre fin à ses jours, ce qui prouve bien que,,,. Mais l'autopsie révèle qu'il a succombé à une rupture d'anévrisme. Qu'à cela ne tienne : pour le procureur, Ferrie a succombé à une dose mortelle de médicament pour la thyroïde, qui a la particularité d'être indétectable à l'autopsie ; mais pourquoi donc se suicider avec un produit indétectable ? La réponse est évidente : « On » l'a poussé à se suicider, ou assassiné.
-sur la foi de l'un d e ses témoins, Garisson recherche un dénommé Clay Bertrand, qui aurait été un des contacts d'Oswald ; on ne le trouve pas, mais on trouve un nommé Clay Shaw, personnalité locale connue et respectée. Garisson le fait arrêter et perquisitionne son domicile. On ne trouve rien, sauf son carnets d''adresses où figurent de grands noms de l'aristocratie européenne ; le procureur, qui sait lire entre les lignes en déduit l'existence de liens entre Shaw et la CIA ; en effet, déclare-t-il « la CIA a un penchant pour les régimes désuets » et « Clay Shaw, avec ses manières vieille Angleterre est précisément le genre de personnes que les services de renseignement recherchent pour infiltrer les familles royales étrangères » Puissante déduction
-en outre, Clay Shaw est homosexuel, ainsi que Ferrie, Oswald et Ruby ; il s'agit donc d'un complot homosexuel pour abattre « un homme, beau, viril, accumulant les succès
-Mais Garisson soupçonne aussi l'implication de l'OAS, pour des raisons trop longues à exposer ici.
Tout ce bel édifice va s'écrouler lors du procès de Clay Shaw (parce que le malheureux va passer en jugement!) comme le château de cartes branlant qu'il est.
(Pour les exemples ci-dessus, je me suis aidé de l'excellent livre de Vincent Quivy « Qui n'a pas tué John Kennedy ? », le Seuil, 2013 .)

Mais il y a et il y aura sans doute toujours des gens qui refuseront la prosaïque solution de cette affaire : comme on le sait depuis le départ, John Kennedy a été assassiné par un individu médiocre et frustré, semi-déficient mental, avec un fusil acheté par correspondance.
Et il est inquiétant de penser qu'une si petite cause ait entraîné un tel effet ; si cela a pu arriver à l'homme le plus puissant du monde, qu'en est-il ne nous ?
Alors rassurons-nous vite : JFK a été victime d'un beau et vaste complot, seul capable d'abattre un tel géant parmi les hommes.


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