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Critique de mariecesttout


"Instinctivement, sans influence littéraire apparente, je découvris l'humour, cette façon habile et entièrement satisfaisante de désamorcer le réel au moment même où il va vous tomber dessus. L'humour a été pour moi ,tout le long du chemin,un fraternel compagnonnage; je lui dois mes seuls instants véritables de triomphe sur l'adversité. Personne n'est jamais parvenu à m'arracher cette arme,et je la retourne d'autant plus volontiers contre moi-même, qu'à travers le « je » et le « moi », c'est à notre condition profonde que j'en ai.L'humour est une déclaration de dignité une affirmation de la supériorité de l'homme su ce qui lui arrive. Certains de mes « amis »,qui en sont totalement dépourvus, s'attristent de me voir,dans mes écrits,dans mes propos,tourner contre moi-même cette arme essentielle, ils parlent, ces renseignés, de masochisme,de haine de soi-même, ou même, lorsque je mêle à mes jeux libérateurs ceux qui me sont proches, d'exhibitionnisme et de muflerie. Je les plains. La réalité est que « je » n'existe pas,que le « moi » n'est jamais visé,mais seulement franchi lorsque je tourne vers lui mon arme préférée; c'est à la situation humaine que je m'en prends, à travers toutes ses incarnations éphémères, c'est à une condition qui nous fut imposée de l'extérieur, à une loi qui nous fut dictée par des forces obscures comme une quelconque loi de Nuremberg.Dans les rapports humains, ce malentendu fut pour moi une source constate de solitude car, rien ne vous isole plus que de tendre la main fraternelle de l'humour à ceux qui,à cet égard,sont plus manchots que les pingouins."

Comme je le comprends.. Ayant toujours eu beaucoup de mal avec les gens qui se prennent au sérieux, je ne pouvais qu'être ravie par la lecture de cette autofiction -récit d'une jeunesse dominée, comme toute sa vie, par le personnage de la mère, et quel personnage!
C'est du paradoxe qu'est cet amour absolu, mais étouffant , que Romain Gary tire ce très beau titre, Les promesses de l'aube,et il s'en explique très bien:

"Ce fut seulement aux environs de la quarantaine que je commençai à comprendre. Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ca vous donne de mauvaises habitudes.On croit que c'est arrivé.On croit que ça existe ailleurs,que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l'amour maternel,la vie vous fait à l'aube une promesse quelle ne tient jamais.On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin d ses jours. Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur,ce ne sont plus que des condoléances.On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus,jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour,mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend,vous avez beau vous jeter de tous côtés ,il n'y a plus de puits,il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès les premières lueurs de l'aube,une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation..Partout où vous allez,vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez reçu.
Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits.Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelque un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine."

Quel poids, oui, mais aussi quelle force donnée par cette mère qui réinvente le monde à sa convenance!
C'est la finesse et l'intelligence de l'analyse de cette double influence maternelle dans son parcours, associées à une permanente autodérision ( très travaillée sur le plan écriture, tout se joue dans des petites phrases rajoutées ça et là ,très pince sans rire, ce Romain Gary, mais souvent hilarant) qui font ,pour moi, de ce récit autobiographique des années de jeunesse d'un écrivain, un des textes que je préfère dans son oeuvre, et bien sûr celui qui explique le mieux le personnage Gary.

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