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Critique de Carteroutiere
Un petit livre qui aborde avec finesse et talent un grand sujet : peut-on faire bouger le mammouth administratif ?
La France, très jacobine, s'est créée autour d'une administration très forte et imbue de ses privilèges. Et même les nouvelles entités non régaliennes, comme les régions ou les communautés d'agglomération, ont gardé cette tradition. Mais le monde change, les citoyens sont moins passifs, veulent être reconnus et regardent de plus en plus les structures d'autorité avec distance et critique. Cette tendance à l'expression individuelle qui existe depuis des siècles dans les pays scandinaves arrive depuis quelques décennies en France. La médiation territoriale en est une des expressions.
Le mérite de ce livre est de faire une photographie très actuelle de la situation. Il est simple, rempli de données et se lit aisément.
Que constatons-nous ? D'abord que cette médiation territoriale est encore fort minoritaire en France : quelques régions et communautés d'agglomérations l'ont mise en place. C'est souvent à l'origine soit une décision politique visant à améliorer l'efficacité du service public -ce qui est légal n'est pas forcément juste -, soit un moyen de recréer du lien avec les citoyens.
Les lois et décrets de départ ont été assez flous. Cela a permis de faire diverses expériences. Comme dans toute création, il faut du temps pour qu'un rythme de croisière s'établisse. Ce qui ressort des exemples et des témoignages, c'est que le succès est d'abord une histoire d'homme ou de femme. Des gens qui croient en leurs missions, ont une expérience de la machine administrative ou un savoir-faire acquis en médiation d'entreprise.
C'est ensuite une affaire de moyens, d'indépendance vis-à-vis l'autorité de tutelle -ce qui se mesure lors de changement d'étiquette politique à la tête de la région ou de la communauté -, de temps long pour marquer son empreinte et de réseautage avec les parties prenantes.
La force de ce livre est de nous présenter cela de manière claire, avec de nombreux témoignages. Chaque lecteur a la possibilité de voir le résultat à date comme une bouteille à moitié vide ou à moitié pleine.
Mon retour, à ce sujet, porte sur quatre points : le premier est que là où la médiation territoriale a été installée, cela fonctionne si les médiateurs, comme dit plus haut, ont le temps, les moyens et l'appui des autorités.
Le deuxième point porte sur la prise de la greffe. Lorsqu'une région a mis en place cette médiation depuis 10/15 ans, parfois plus, pourquoi cela ne s'est pas développé au niveau d'autres communautés d'agglomérations ou régions (et vice-versa) ? On sent qu'il y a une demande, mais qu'il y a des freins : les politiques ? L'administration ? Et pourtant, c'est un enjeu important quand nous voyons à chaque élection le taux d'abstention monter et au quotidien, des citoyens excédés faire fi des systèmes organisés de discussion pour obtenir justice.
Le troisième point porte sur une dimension plus large : le réchauffement climatique et tous les autres changements qui vont fortement impacter notre société, que ce soit l'IA Générative ou les courants migratoires entre autres, nécessiteront forcément des décisions délicates et douloureuses. Et si le lien ténu entre les politiques et les citoyens s'effiloche, que se passera-t-il ? L'enjeu de ce livre n'est alors pas seulement d'apprécier cet effort de médiatisation mais peut-être de participer à ce mouvement global d'association des citoyens à ces décisions. Bien sûr ce ne sont pas ces médiateurs qui prendront ces décisions, mais celles-ci, même légitimes, provoqueront au niveau individuel des tensions. Comme le dit très justement l'auteur : égalité et équité sont deux choses différentes. Or, ce n'est pas parce que c'est légal, que c'est juste.
Le quatrième et dernier point porte sur l'élargissement du débat et de la médiation dans d'autres sphères. Cela existe déjà dans certains domaines comme la consommation ou dans les entreprises et entre les entreprises elles-mêmes. Quelles leçons en tirer de part et d'autre ? le fait que la médiation soit rattachée au Défenseur des droits en dit long sur l'inégalité du bras de fer.
Au final, un livre clair, facile à lire, qui valorise, et c'est mérité, le travail des médiateurs, mais qui ne cache rien des efforts à faire.
La France, très jacobine, s'est créée autour d'une administration très forte et imbue de ses privilèges. Et même les nouvelles entités non régaliennes, comme les régions ou les communautés d'agglomération, ont gardé cette tradition. Mais le monde change, les citoyens sont moins passifs, veulent être reconnus et regardent de plus en plus les structures d'autorité avec distance et critique. Cette tendance à l'expression individuelle qui existe depuis des siècles dans les pays scandinaves arrive depuis quelques décennies en France. La médiation territoriale en est une des expressions.
Le mérite de ce livre est de faire une photographie très actuelle de la situation. Il est simple, rempli de données et se lit aisément.
Que constatons-nous ? D'abord que cette médiation territoriale est encore fort minoritaire en France : quelques régions et communautés d'agglomérations l'ont mise en place. C'est souvent à l'origine soit une décision politique visant à améliorer l'efficacité du service public -ce qui est légal n'est pas forcément juste -, soit un moyen de recréer du lien avec les citoyens.
Les lois et décrets de départ ont été assez flous. Cela a permis de faire diverses expériences. Comme dans toute création, il faut du temps pour qu'un rythme de croisière s'établisse. Ce qui ressort des exemples et des témoignages, c'est que le succès est d'abord une histoire d'homme ou de femme. Des gens qui croient en leurs missions, ont une expérience de la machine administrative ou un savoir-faire acquis en médiation d'entreprise.
C'est ensuite une affaire de moyens, d'indépendance vis-à-vis l'autorité de tutelle -ce qui se mesure lors de changement d'étiquette politique à la tête de la région ou de la communauté -, de temps long pour marquer son empreinte et de réseautage avec les parties prenantes.
La force de ce livre est de nous présenter cela de manière claire, avec de nombreux témoignages. Chaque lecteur a la possibilité de voir le résultat à date comme une bouteille à moitié vide ou à moitié pleine.
Mon retour, à ce sujet, porte sur quatre points : le premier est que là où la médiation territoriale a été installée, cela fonctionne si les médiateurs, comme dit plus haut, ont le temps, les moyens et l'appui des autorités.
Le deuxième point porte sur la prise de la greffe. Lorsqu'une région a mis en place cette médiation depuis 10/15 ans, parfois plus, pourquoi cela ne s'est pas développé au niveau d'autres communautés d'agglomérations ou régions (et vice-versa) ? On sent qu'il y a une demande, mais qu'il y a des freins : les politiques ? L'administration ? Et pourtant, c'est un enjeu important quand nous voyons à chaque élection le taux d'abstention monter et au quotidien, des citoyens excédés faire fi des systèmes organisés de discussion pour obtenir justice.
Le troisième point porte sur une dimension plus large : le réchauffement climatique et tous les autres changements qui vont fortement impacter notre société, que ce soit l'IA Générative ou les courants migratoires entre autres, nécessiteront forcément des décisions délicates et douloureuses. Et si le lien ténu entre les politiques et les citoyens s'effiloche, que se passera-t-il ? L'enjeu de ce livre n'est alors pas seulement d'apprécier cet effort de médiatisation mais peut-être de participer à ce mouvement global d'association des citoyens à ces décisions. Bien sûr ce ne sont pas ces médiateurs qui prendront ces décisions, mais celles-ci, même légitimes, provoqueront au niveau individuel des tensions. Comme le dit très justement l'auteur : égalité et équité sont deux choses différentes. Or, ce n'est pas parce que c'est légal, que c'est juste.
Le quatrième et dernier point porte sur l'élargissement du débat et de la médiation dans d'autres sphères. Cela existe déjà dans certains domaines comme la consommation ou dans les entreprises et entre les entreprises elles-mêmes. Quelles leçons en tirer de part et d'autre ? le fait que la médiation soit rattachée au Défenseur des droits en dit long sur l'inégalité du bras de fer.
Au final, un livre clair, facile à lire, qui valorise, et c'est mérité, le travail des médiateurs, mais qui ne cache rien des efforts à faire.
