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Critique de IrishStew


Ecrit par Catherine Gendrin, décédée il y a quelques années, et illustré par Claire Degans, déjà rencontrée avec Sakuya, Jazyâa la Tapageuse met en scène une jeune femme d'Oranie qui rêve d'être libre dans une société qui ne le permet pas. Cette liberté est symbolisé par l'amour qu'elle porte à Pedro, un jeune catholique espagnol. le coup de foudre est chose insensée dans l'Algérie de Jazyâa:

Elle aurait voulu partir. Partir loin de cet univers clos et prévisible.
Ses amies rêvaient de se marier avec l'homme que leur père leur désignerait, avoir de beaux enfants, suivre le destin d'une vie où tout est déjà écrit de la naissance à la mort.
Mais Jazyâa, elle, rêvait d'aventures et d'amour avec l'homme qu'elle aurait elle-même choisi.

Ou encore:
On dit que les coups de foudre sont invention des poètes, n'en croyez rien.
Simplement en général, la fulgurance de leur brûlure est matée par la Raison qui exige de reprendre ses droits.

Raison, Convention, Tradition... Voilà de quoi est fait le carcan dans lequel sont entravés les jeunes gens. On sort à tout va son appartenance à la religion musulmane ou catholique pour excuser l'amour impossible entre Jazyâa et Pedro, bien que la conversion ne soit pas une idée idiote pour la jeune femme. Elle sait pertinemment qu'ils croient au même dieu, celui de l'amour. La jeune algérienne est toutefois surveillée de très près par son frère, et le jeune espagnol a peur du regard de sa mère. Leurs conditions différentes et pourtant si proches les empêche de vivre heureux...
Mais voilà que la jeune algérienne est enceinte du jeune espagnol; elle va amener la honte sur sa famille, le village vont les mépriser, elle et son frère. Pire: Pedro la fuit. Se sentant trahie à la fois par les siens et celui qu'elle aime, Jazyâa se donne la mort:

Vous avez voulu me dicter ma vie, vous ne me dicterez pas ma mort!
Mon enfant n'appartiendra ni à celui qui me fuit, ni à celui qui me pourchasse!

Je crois que j'ai jamais autant cité un album. Tout ça pour dire que Catherine Gendrin sait choisir les mots et modeler les phrases pour obtenir l'effet escompté. L'amour impossible est un thème récurrent dans la littérature (Roméo et Juliette, Madame Butterfly, Ondine...) et on peut constater qu'il y a diverses manières de le traiter. Surtout, c'est un thème qui échappe au Temps et à l'Espace. Et la littérature jeunesse ne se prive pas pour le remettre au goût du jour. Ici, l'intrigue semble se dérouler à l'époque moderne, vers le XVIIème. Il n'y a aucune date précise, mais il y a des indices pour deviner à peu près l'époque:

[Pedro] a parlé dans un oranais maladroit et Jazyâa comprend qu'il est Espagnol. Il y a plus d'un siècle déjà qu'Oran a été conquise par l'Espagne.

L'Espagne s'étant pointée au Maghreb au XVIème siècle, mon hypothèse est vérifiée.
Les illustrations de Claire Degans sont aussi magnifiques, j'aime beaucoup les textures. La couleur des vêtements de Jazyâa semble avoir une symbolique: jaune en début d'album, qu'elle se sent libre et qu'elle revendique son indépendance, bleu lorsqu'elle rencontre Pedro et qu'elle est amoureuse, rouge quand elle se rend compte qu'elle a été trahie, le rouge symbolisant le sang et la violence qui bouillit en elle.
Evoquer l'Algérie à l'époque moderne n'est pas chose aisée, et sans doute encore moins en littérature de jeunesse. C'est pourtant le défi qu'a relevé Catherine Gendrin, et ce avec énormément de succès. le travail de Claire Degans vient compléter d'une excellente manière un album qui est pour moi un véritable coup de coeur!
Lien : http://lesjeuneslettres.blog..
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