AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Emnia


Emnia
24 décembre 2014
Tout ce que vous avez toujours voulu NE PAS savoir sur la culture japonaise, et bien plus.

L'essai d'Agnès Giard, impressionnant de synthétisme, fait bien évidemment plus que dégoûter à vie ses lecteurs de la culture nipponne (même s'il aura probablement cet effet sur certains), il explore en quelque 300 pages, les spécificités de l'érotisme, de la pornographie et plus largement des pratiques sexuelles au Japon et esquisse, en une dizaine de chapitres thématiques, de l'amour des culottes aux jouets pour adultes, une vision de la sexualité protéiforme, jusqu'au-boutiste et paradoxale jusqu'à la schizophrénie, dans laquelle se mêlent pour le meilleur et plus souvent pour le pire, traditions séculaires et influence occidentale.

L'ouvrage aurait pu n'être qu'un simple catalogue de perversions (et pas des moindres…) si l'auteur n'avait su combiner si habilement au reportage les sources historiques, religieuses, littéraires ou artistiques et jusqu'au vocabulaire spécifique employé (y compris la (très) longue liste des onomatopées utilisées dans les mangas hentai, dans lesquels à chaque acte correspond un son), car la façon dont une nation parle d'un sujet en dit déjà long sur la perception qu'elle en a. Un bon nombre des faits énumérés n'en restent pas moins perturbants pour un lecteur occidentale : vente de culottes sales de lycéennes dans plus de 30 boutiques tokyoïtes, film porno ayant pour sujet une femme en pleine orgie avec des concombres de mer, prostitution de septuagénaires, shows dans lesquels des filles vomissent en public, tentacules, S.O.M. (Super Onanism Machine) ou, plus généralement, viols, humiliations, agressions sexuelles dans les transports et une passion des plus malsaines pour les filles douces, innocentes et, bien évidemment, mineures. Au-delà de ces perversions, c'est le gouffre se creusant irrémédiablement entre hommes et femmes japonais que l'auteur décrypte, et l'augmentation inquiétante du célibat qui en découle.

Un soin méticuleux a été accordé à l'illustration. Aux publicités, couvertures de magazines, jaquettes de jeux vidéo ou DVD prenant place dans les marges répondent, en pleines pages, une sélection étonnante d'estampes érotiques (ou shunga) pour l'aspect historique, mais également d'oeuvres d'artistes contemporains japonais, parmi lesquels le photographe Atsushi Sakai, le mangaka Suehiro Maruo ou la peintre Chiho Aoshima parmi bien d'autres, qui magnifient une à une chacune des tendances et passions analysées.

Sur le fond, l'ouvrage mérite cinq étoiles, même si j'aurais préféré que le contenu aille plus loin dans l'analyse, cela reste une excellente introduction à un sujet complexe. La maquette ne me convainc pas complètement cependant, notamment les choix de polices de caractère, mais c'est une gêne mineure. Ce qui est en revanche beaucoup moins tolérable de la part de l'éditeur, c'est, d'une part, de reproduire des illustrations de qualité médiocre à très mauvaise (cela ne concerne que les visuels de shunga provenant du musée parisien de l'érotisme), et, d'autre part, et c'est malheureusement monnaie courante, d'avoir bâclé la correction et d'avoir laissé subsister dans le texte une quantité horripilante de problèmes d'harmonisation (guillemets, graphies changeantes pour un même terme, etc.). Espérons qu'une réimpression de l'ouvrage résoudra un jour ces problèmes.
Commenter  J’apprécie          181



Ont apprécié cette critique (13)voir plus




{* *}