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Critique de Clelie22


Il y a des fois où la conscience professionnelle touche à l'abnégation, voire au masochisme.

J'avais acheté ce livre il y a quelques années, sur suggestion d'élèves, l'avait bien soigneusement saisi et rangé dans les rayonnages et jamais lu. Je n'en avais jamais trouvé le courage, vu mon peu de goût pour la littérature pour les poulettes. Dernièrement, en lisant le résumé qu'en avait fait une de mes élèves au cours d'un travail de critique, j'ai laissé mentalement échapper une sorte de «woups !» et je me suis dit que ce ne serait pas mal que je le lise avant de le mettre entre les mains de mes oies (pas si) blanches que cela. J'ai donc pris mon courage dans une main, le livre dans l'autre et enfilé ma bombe d'équitation pour pouvoir me taper la tête contre les murs sans risques pour la santé.

Bon, dans les 3 premiers chapitres, je me suis dit que, finalement, ça n'était pas trop mal écrit, dans un style fluide et assez dynamique. Au bout d'une demi-douzaine de chapitres, j'ai commencé à bâiller au récit des «aventures» passées de Rachel, à me décrocher franchement la mâchoire aux multiples précisions sur la tenue vestimentaire des uns et des autres, à lorgner avec découragement le nombre de pages non encore lues, à feuilleter les dernières pages du livre (oh ! Surprise ! Ça finit carrément comme je m'y attends !) et continué vaille que vaille ma lecture.

A la fin du 1er chapitre, Rachel couche avec le fiancé de sa meilleure amie. Au chapitre 3, ils se revoient et échangent des baisers passionnés (mais c'est tout). Au chapitre 7, ils remettent le couvert puis s'installent dans une relation assumée, du moins entre eux puisqu'ils continuent à la cacher à Darcy et à leur entourage. Mais il faut encore 230 pages avant que la situation ne se dénoue. Donc, pendant 230 pages, on a droit à un nombre vertigineux de scènes dont la seule fonction est de rappeler :
1/ Que la narratrice couche avec le fiancé de sa meilleure amie (au cas où on aurait oublié)
2/ Qu'elle a des sentiments pour lui (au cas où on ne l'aurait pas deviné)
3/ Que Darcy est une garce égoïste, vaine et prétentieuse (au cas où on ne l'aurait pas compris dès les premiers chapitres).
Et aussi de planter le décor très chick-litt : boutiques, soirées branchouilles, etc.

Un peu avant la moitié, j'ai commencé à me demander pourquoi je persistais. Je n'y trouvais pas de plaisir, je ne comptais pas recommander cette histoire sans intérêt à mes élèves, alors, pourquoi ? Par acquis de conscience, sans doute (et peut-être un peu aussi pour pouvoir l'allumer au lance-flammes sur Babelio, niark niark niark !)
Au-delà de l'ennui profond et du manque d'enthousiasme patent que j'ai ressenti à la lecture de ces pages, j'ai trouvé la morale de fond franchement limite : la narratrice couche en secret avec le fiancé de sa meilleure amie mais ce n'est pas condamnable parce que :
1/ Elle a des sentiments pour lui.
2/ La meilleure amie en question est une garce (je répète au cas où ça vous aurait échappé...) et n'hésiterait pas à en faire autant.
Je ne surinterprète pas. C'est à peu près ce que dit une autre amie de la narratrice quand elle lui avoue sa liaison :
«- Tu oublies une donnée importante du problème, Hillary. Darcy est mon amie depuis toujours. Et je suis sa demoiselle d'honneur.
Elle lève les yeux au ciel.
- Ça ne compte pas vraiment. Et puis, il n'est pas question de Darcy. Il s'agit de Dex et toi.
- A mes yeux, il s'agit aussi de Darcy. Elle est mon amie. Et même si elle ne l'était pas, si elle était une inconnue pour moi, tu ne crois pas que je vais m'attirer un mauvais karma.
Elle se redresse dans son fauteuil.
- le monde n'est ni tout blanc ni tout noir, Rachel, commence-t-elle d'un ton docte. Les absolus moraux n'existent pas. Si tu couchais avec Dex juste pour le sexe, je me ferais peut-être du souci pour ton karma. Mais tu éprouves des sentiments pour lui. Cela ne fais pas de toi une mauvais personne.
J'essaie de mémoriser sa tirade. « Les absolus moraux n'existent pas. » Voilà qui me plaît.
- Dans la situation inverse, continue-t-elle, Darcy n'hésiterait pas une seconde. »
Ça me laisse pantoise. J'ai dû mal avec cet espèce de relativisme moral : chacun se bricole sa petite morale. Ce n'est pas « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse » mais « Ne te sens pas coupable si tu fais du mal par amour et encore moins si autrui est du genre à pas se gêner pour t'en faire autant. »

Bon, même si on n'est pas trop chatouilleux(se) sur le chapitre de la morale et de l'honnêteté, on peut regretter l'absence totale de suspense et de rebondissements dans ce roman. Quant au «prince charmant» (avec beaucoup de guillemets) de l'histoire, je l'ai trouvé franchement fadasse. Dans le premier flash-back qui le concerne, la narratrice nous raconte une joute verbale courageuse entre le jeune Dex et l'un de ses professeurs, une rosse aimant humilier les élèves. Seulement, pendant le reste du livre, on pourrait juger que le comportement de Dexter, qui couche avec la meilleure amie de sa fiancée sans le lui avouer et sans rompre leurs fiançailles, n'est pas exactement un exemple de courage.
Enfin, la scène de dénouement est limite ridicule.

A aucun moment, je ne me suis sentie prise aux tripes par cette histoire. Je n'avais pas du tout envie de m'identifier à l'héroïne (plutôt de lui coller une paire de claques). Ce genre de livres réveille aussi la féministe qui sommeille en moi (elle a le sommeil léger) et celle-ci s'écrie : «quoi ?! C'est tout ce qu'on propose comme modèle aux femmes d'aujourd'hui ?! Des poulettes qui, lorsqu'elles n'attendent pas benoîtement le prince charmant, ne sont préoccupées que de boutiques et de fringues. Au secours ! Simone revient !»
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