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Critique de PhilippeCastellain


Le vent souffle sur la steppe. Un murmure s'élève, se transforme en grondement. Et voici qu'à l'horizon apparaissent les cosaques...

Tarass Boulba est une oeuvre indissociable de la renaissance ukrainienne. Nicolaï Gogol y reprend les codes du romantisme, notamment pour ses descriptions de la steppe, d'une stupéfiante beauté. le vieux Tarass retrouve ses fils revenus du lycée, ils voyagent ensemble jusqu'à la Sitch, coeur et capitale du territoire des cosaques Zaporogues. Il y retrouve ses anciens camarades ; on découvre la vie libre et aventureuse des cosaques, rendue en thermes lyriques.

En revanche... C'est une oeuvre de l'époque. D'un antisémitisme viscéral et radical : les juifs sont une race impure, uniquement préoccupée par l'argent ; leur simple présence est une souillure, et avant de partir dans leur guerre libératrice les cosaques commencent par les massacrer pour la nettoyer.

La Pologne a annexé des terres d'Ukraine, aurait instauré des mesures vexatoires. Les cosaques partent en guerre. La haine entre catholiques et orthodoxes est glorifiée ; Gogol prêche le fer contre le fer, le feu contre le feu. Dans leur ‘'juste'' colère, les villages catholiques sont brûlés avec leurs habitants ; les enfants jetés au feu à la pointe de la lance.

Le principal thème romantique est donc inversé : ce n'est plus l'amour entre individus qui est exalté, mais l'amour de la patrie. Au contraire même, c'est pour l'amour d'une femme qu'Andreï, son plus jeune fils, renie sa patrie et sa foi. le pire des crimes pour son père, qui le fait prisonnier et l'abat de sa propre main. Mais la bataille est perdue. Son fils aîné, Ostep est fait prisonnier...

Ce n'est pas le Gogol plein d'humour des Nouvelles de Pétersbourg. C'est un barde dont les chants, dans leur lyrisme, appellent à la guerre et à la haine.

Gogol n'est pas le seul représentant du romantisme nationaliste. On pourrait citer Hugo Foscolo en Italie ; Delacroix en France. Mais peu d'oeuvres poussèrent aussi loin la beauté et le désir de liberté, tout en faisant une glorification aussi crue de la guerre. On ne peut s'empêcher de comparer son récit à la violence de la répression de l'insurrection polonaise de 1861-1864.

À noter que sa haine ne vise que les Polonais ; l'indépendance de l'Ukraine vis-à-vis de la Russie n'était pas du tout dans l'esprit de Gogol. Elle ne vint que plus tard... Et probablement dans le sillon qu'il avait creusé.

Un livre que je recommande donc à plus d'un titre. D'une, parce qu'il est absolument magnifique. de deux, parce qu'il offre une découverte saisissante du monde des cosaques, véritable far west avant l'heure. de trois, parce qu'il illustre la naissance du nationalisme ukrainien, et la violence de ce phénomène en Europe au XIXème siècle.
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