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Critique de mylena


Pas mal pour un roman dont son auteur n'était pas vraiment satisfait : il le trouvait trop long, ennuyeux, écrit à la va-vite et d'après lui il imposait trop son point de vue. Effectivement il l'a écrit vite, pendant un séjour aux USA. Mais cela ne sent pas du tout. Ce roman s'appuie sur un personnage bien réel, Piotr Zalomov, l'un des organisateurs d'un des premières manifestations du premier mai à Sormovo, près de Nijny Novgorod, ville natale de Gorki, en 1902. La mère, c'est celle de Piotr. Il n'y a pas à proprement parler une intrigue, le coeur du livre, c'est l'évolution de Pélaguée, la mère, à partir de la confiance qu'elle a dans son fils. Son éveil social et intellectuel, ses états d'esprit, sont décrits et analysés dans le détail avec beaucoup de finesse. Ce qui est remarquable c'est l'angle choisi par Gorki pour raconter les mouvements sociaux du début du siècle, après l'échec de la Révolution de 1905, plus intellectuelle : un personnage féminin très ordinaire au départ, une veuve dont le mari était alcoolique et violent, qui s'émancipe, se met à lire à 40 ans, pour finir par devenir un rouage important de l'action révolutionnaire. le résultat est l'un des plus beaux personnages féminins de la littérature, ce qui était sans doute très choquant à l'époque. La peinture psychologique sonne vrai, de même que les dialogues. On est très loin du réalisme soviétique, d'autant que la mère reste croyante jusqu'au bout ! Un certain manichéisme est certes présent, mais en même temps, la diversité des personnages du côté des opprimés est bien présentée, on sent toute leur complexité, bien loin de ce que peut résumer un chapitre d'un livre d'histoire. Gorki a l'habileté de ne mettre en scène aucun débat politique théorique, ce qui permet de ne pas étiqueter ses personnages à l'intérieur du mouvement révolutionnaire (ils peuvent correspondre à n'importe lequel des courants de l'époque). Et pourtant le roman est saturé d'idéologie, mais il s'agit surtout de questions sur le comportement que doit avoir un révolutionnaire par rapport à ses idéaux, son attitude et ses actions par rapport à la police, aux mouchards, … C'est vrai que la lecture et l'histoire avancent très lentement, au rythme de l'évolution de Pélaguée plutôt qu'à celui des événements mais c'est cependant l'optimisme sans faille de cette vision humaniste et positive de l'être humain qui m'a le plus gênée. Cette optique est amplifiée par des comparaisons que le lecteur français ne relève même plus avec des métaphores bibliques (les héros sont comparés à des anges ou des apôtres, la manifestation est comparée à un chemin de croix, etc...) qui ont valu d'ailleurs à Gorki d'être inquiété pour blasphème ! C'est vrai qu'on peut trouver ce roman un peu long, qu'il aurait pu être moins manichéen tout en faisant passer le même message, mais il reste incomparable pour sa peinture de la vie quotidienne et de l'état d'esprit du milieu ouvrier russe de l'époque tsariste et au moins autant, pour le tableau qu'il dresse de la condition des femmes russes d'alors. Un très beau portrait de femme absolument remarquable.
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