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Critique de Gruizzli


Que voila un beau, un bon, un grand livre ! Derrière une apparente biographie de celui qui fut le parrain de la mafia américaine en pleine prohibition, celui qui la modernisa et lui permit l'expansion inimaginable de l'époque avec le trafic d'alcool et son potentiel lucratif, mais aussi celui qui incarna le mafieux pour toute une génération de réalisateur et d'auteur : Salvatore Lucania, dit Lucky Luciano.

J'ai lu ce livre tenté par une amie de longue date qui m'en avait parlé voila plus de dix ans, attendant la réédition qui finit par venir et me permit d'enfin découvrir ce qu'il y avait à l'intérieur. Ma lecture ne fut pas déplaisante, loin s'en faut ! Rien que la réédition, avec son papier épais et son épaisseur donne envie de le lire, mais surtout la qualité du contenu n'a pas dépareillé avec les années. La traduction, merveilleuse au passage, donne le ton, l'envol et le souffle qu'il faut pour livrer un tel récit : les mémoires d'un ex-mafieux. Avec son lot de moments douteux, de mise en valeur et d'appréciation à reconsidérer. Mais en terme de témoignage à la première personne, il est incontestable que l'on est autant dans un film de gangster à la Scorsese que dans une histoire de l'Amérique de la première moitié du XXème siècle (et l'inspiration qu'il fournit à Sergio Leone pour son Il était une fois en Amérique est indéniable). A travers le récit de Luciano, nous découvrons l'installation d'un empire du crime, celui qui perdure encore avec tout son cortège de mort, de violence et de problématiques.

Lucky Luciano est un personnage haut en couleur, le cliché du mafieux sicilien qui domine la pègre, mais aussi un personnage qui se révèle amoureux, tendre et humilié sur la fin de sa vie. On aurait presque de l'affection pour celui qui semble regretter un peu de n'avoir pu qu'être dans cette voie du crime et de la mafia. Luciano semble être pris par les démons qui l'ont assaillis toute sa vie, et ses rêves de grandeur et de fortune ne suffiront pas à sauver celle qu'il aime. le livre donne plusieurs facettes à ce personnage, et c'est presque touchant.

Mais surtout, ce livre est parfait pour comprendre la place réelle de la mafia dans un système capitaliste tel que le notre : là où l'argent se trouve, la mafia finira par se trouver. Et plus la morale l'interdira, plus la mafia s'enrichira. S'il est une leçon à retenir de la vie de Luciano, c'est que nous ne pouvons pas imaginer l'emprise de cette organisation : contrôle des populations, des médias, des politiques et des flics, ils sont partout prêt à corrompre pour peu que l'on soit prêt à leur laisser un peu de mou. Et même une répression sévère ne suffira pas, et n'amènera que du sang et des conflits. La mafia est une puissance avec laquelle il faut composer, tant elle gangrène le monde. Ce monde parallèle, cette organisation bien soudée est à l'image de l'occident : elle ne vit et ne tient que par l'argent. Une cruelle réalité nous est rappelé dans cette lecture : qui jugera ceux qui achètent les juges ? Qui arrêtera celui qui est ami avec le policier ? Qui s'opposera à celui qui est ami de tous ? Luciano présente jusqu'à l'achat des votes populaires par tout un système mafieux qui mise sur les politiciens comme on le ferait d'un cheval de course. Et cela donne à réfléchir lorsqu'on les voit développer les activités légales qui rapportent tout autant -voir plus- que leurs activités illégales, tout en les couvrant. Dans un monde de millionnaires, la question de la légalité devient floue, et la mafia le comprit très vite.

Un livre prenant et édifiant sur l'empire qui fut bâti dans le pays le plus riche du monde, un monde du crime dont nous découvrons les facettes et les développements, ses personnages mais aussi ses tares. Une lecture prenante, comme un polar, mais aussi instructive et diablement efficace pour nous rappeler la force de l'Organisation. Je recommande à tous !
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