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Critique de Nastasia-B


La Serpe D'Or est la deuxième réalisation du duo Goscinny-Uderzo, histoire parue d'abord en épisodes dans le périodique Pilote en 1960 et 1961, puis compilée sous forme d'album en 1962. À cette époque, le tirage des albums d'Astérix est encore confidentiel (6000 exemplaires d'après mes sources). À telle enseigne que de nos jours, cet album a la réputation d'être le plus cher dans son édition originale, atteignant plusieurs milliers d'euros en très bon état et dépassant allègrement les 5000 euros en état neuf !
Ça laisse rêveur quand on sait que ceux-ci étaient vendus pour quelques francs par des libraires pas spécialement fiers de délivrer cette marchandise...
En ce qui concerne le dessin, on voit bien qu'Albert Uderzo n'a pas encore trouvé la pleine maturité qu'il affichera vers le milieu des années 1960.
Astérix et Obélix ont encore des traits assez grossiers mais déjà nettement plus aboutis que dans le premier album Astérix le Gaulois. Obélix accède d'ailleurs au véritable statut de contrepoint d'Astérix, qu'il conservera.
Question scénario aussi, René Goscinny est encore en phase de rodage. Ses dialogues ne sont pas encore cousus de jeux de mots et de significations équivoques... quoique... quoique...
C'est en réfléchissant à l'un de ces jeux de mots distillés dans l'album que j'imagine pouvoir en dénicher l'origine et une possible signification.
Je vous propose d'examiner ce jeu de mots :
Panoramix dit : " Les bonnes serpes sont rares ! Les meilleures, les seules que j'accepte sont celles que fabrique le célèbre Amérix, dans la lointaine Lutèce... "
Et Astérix de renchérir aussitôt en disant : " Ça c'est vrai. Les serpes qui viennent d'Amérix sont les meilleures, c'est bien connu... "
La seule façon, selon moi, d'entendre ces répliques a priori anodines, est de remplacer " serpes " par " herbes ".
Cela devient : " Les bonnes herbes sont rares " / " Les herbes qui viennent d'Amérique sont les meilleures, c'est bien connu. "
On imagine alors aisément à quel genre d'herbes Goscinny fait référence. Il parle également de la lointaine Lutèce et, un peu plus loin dans l'album, Astérix arrive chez un cafetier fraîchement débarqué de Massalia (Marseille) et qui fait venir des choses par char à boeufs (comme du poisson frais, par exemple !).
Nous avons donc affaire à un trafic de serpes à Paris, aux ramifications glauques et souterraines, mouillant des politiques romains. Lentix est le portrait craché du bandit corse...
Bref, vous avez compris, nous sommes au tout début des années 1960, l'âge d'or de la French Connection, avec des personnages comme Antoine Guérini (qui ressemble beaucoup à Lentix). N'oublions pas non plus que Goscinny collabore depuis déjà plusieurs années à cette époque à la série Lucky Luke et à ses fameuses bandes de gangsters qu'il affectionne. Tiens, tiens, Lucky Luke, ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Lucky Luciano, bien sûr, réputé comme l'un des plus grands gangsters mafieux italo-américains et lié avec la French Connection.
Cet album m'apparaît donc comme une mise au jour d'un trafic de serpes et de son démantèlement par Astérix et Obélix, exactement comme on pouvait le souhaiter à l'époque du trafic international de drogue dont Paris et Marseille étaient les deux principales plaques tournantes (d'ailleurs l'image de la plaque tournante est également figurée dans l'album).
Je ne le trouve donc pas particulièrement drôle cet album, ni très abouti, mais intéressant tout de même, notamment pour comprendre la genèse de celui qui est devenu une icône nationale, l'irréductible Astérix.
Mais bien sûr, ceci n'est que mon avis taillé à coups de serpe, même pas en or, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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