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Critique de Eric75


Pour ne pas ralentir le rythme, je vous propose cette 4ème critique des albums d'Astérix. Cette fois il est temps pour les auteurs de s'aventurer du côté des péplums et d'emmener nos deux irréductibles Gaulois au coeur même du territoire ennemi… Comme chacun sait, tous les chemins mènent à Rome, et donc rien n'aurait servi de courir, il fallait simplement partir à point.

Tout commence par une visite au camp romain de Petibonum du préfet des Gaules Caligula Alavacomgetepus, accueilli par le centurion Gracchus Nenjetépus. On remarquera au passage la sophistication de plus en plus grande des patronymes romains, dont certains font référence à des expressions inconnues des jeunes lecteurs d'aujourd'hui (comme on peut le constater sur les forums dédiés, la question ayant été posée).

Le préfet arrive par la mer, et c'est également par bateau que nos deux Gaulois vont organiser leur voyage à Rome. Ce sera l'occasion de croiser pour la première fois la route des pirates Barbe-Rouge, Triple-patte et Baba, qui ne sont cependant pas encore nommés dans cet album. Baba, la vigie des pirates, ne prononce pas les « r ». Il n'est pas représenté à l'image mais il est facilement identifiable par son accent dans trois répliques. Ceci peut paraître étonnant, pour une première approche, mais son alter égo présent dans la bédé Barbe-Rouge de Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon qui a servi de modèle, possède lui aussi cet accent (j'ai vérifié). Notre époque est devenue si « politiquement correcte » que certaines personnalités auraient critiqué l'effet comique de ce personnage, qui dévaloriserait les Noirs. le ciel m'en tombe sur la tête ! Faudra-t-il également supprimer ou édulcorer un jour tous les Vendredi et Oncle Tom de la littérature ? Pensez-donc… un ramassis de cannibales et d'esclaves vendus aux Blancs, inutile désormais de prendre des gants, toute cette littérature serait désormais à mettre au pilon direct, si l'on en croit les partisans de la cancel culture !

Passons là-dessus et revenons à nos héros, qui rencontrent pour la première fois le marchand phénicien Épidemaïs. Ce dernier réapparaîtra dans l'Odyssée d'Astérix (T.26), L'anniversaire d'Astérix & Obélix (T.34) et La Fille de Vercingétorix (T.38). Il symbolise de façon caricaturale le monde de l'entreprise décomplexée et le recours à la novlangue (les esclaves sont des « associés » qui « n'ont pas très bien lu le contrat avant de le signer »). Cette anecdote illustre bien la modernité de la série et l'incroyable acuité de Goscinny dès qu'il dénonce l'air de rien et très en avance sur son temps les excès et dérives de notre monde actuel.

Les jeux de mots, au-delà des différents patronymes, sont une tradition incontournable depuis l'origine de la série : A titre d'illustration, notons ce dialogue savoureux : « - Je vous ai à l'oeil, Gaulois ! – Briseradius est furieux, je ne donne pas cher de votre peau ! – Bien sûr, puisqu'il nous a à l'oeil ! » ou cette publicité : « Super-Persique lave encore plus pourpre ! » (Allusion à la lessive Super-Persil qui lave plus blanc dans les années 1950).

Le catalogue de caricatures s'enrichit avec l'acteur Tony Curtis, qui donne ses traits au personnage de Brutus, le fils de César (planches 34 et suivantes). Tony Curtis (jeune) a les traits du personnage romain qu'il joue dans le film Spartacus (1960).

Ceci nous confirme que Goscinny et Uderzo, lors de leurs recherches documentaires et historiques menées pour la préparation de ce 4ème album, se sont nécessairement tournés vers le monde des péplums. J'ai noté au moins trois belles références aux péplums sortis avant la parution de l'album : « Spartacus » (1960) de Stanley Kubrick avec Kirk Douglas, dont s'inspirent la tenue des gladiateurs (mirmillons, rétiaires…) et la présence de Tony Curtis ; « Ben Hur » (1959) de William Wyler avec Charlton Heston, avec la célèbre course de chars (transposée planches 35 et 36) ; et enfin « Quo Vadis » (1951) de Mervyn LeRoy avec Robert Taylor et Deborah Kerr présentant des scènes de jeux du cirque et donnant la part belle aux lions dans les arènes (planche 37) mais aussi à l'origine d'une allusion plus discrète, mais bien présente dans la réplique de Caligula Alavacomgetepus (planche 1) que peu de gens ont relevé : « J'ai bien pensé à lui apporter un article de Lutèce, peut-être un calepin de marbre pour qu'il puisse y graver ses rendez-vous, mais c'est banal… ». Allusion directe aux agendas modernes Quo Vadis. Caligula Alavacomgetepus recherche une idée de cadeau pour César et c'est finalement le barde Assurancetourix qui fera office de cadeau. Pour Information, la marque d'agenda Quo Vadis existe depuis 1954.

La qualité graphique est désormais pratiquement parvenue à celle de l'âge d'or de la série. Les représentations des rues de Rome et du village gaulois sont au top, cependant, il n'y a toujours pas de personnages féminins au moment du banquet.

On dénombre néanmoins quelques femmes perdues dans les décors de l'album ou faisant de la figuration : une jeune fille du village salue Astérix et Obélix au moment de leur départ en agitant son mouchoir (planche 9) ; une passante romaine porte un récipient sur la tête devant le Restaurant gaulois tenu par Plaintcontrix (planche 15) ; la voisine de Plaintcontrix, très en colère après qu'on lui a fracassé sa porte (planche 18).

Assurancetourix finit une fois de plus ligoté dans son arbre pour être empêché de nuire, quand bien même il a été l'un des protagonistes essentiels de l'histoire. On notera enfin la première apparition officielle d'Agecanonix, même s'il n'est pas nommé, qui accepte un poste d'intérimaire dans la carrière de menhirs d'Obélix.

En conclusion, ce 4ème album inaugure pour moi l'entrée de la série dans son âge d'or, ni plus, ni moins. Hoc opus, hic labor est (« Voilà le résultat, mais c'est du travail » comme disait Virgile), le niveau est ici excellent, même si les meilleurs albums sont encore à venir…
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