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Critique de isanne


Nécessité de silence dans ce monde agité qui est le nôtre.
Désir de solitude dans la frénésie des rencontres, dans le tourbillon des rapports sociaux.
Parfois, silence et solitude s'offrent doucement, fragilement entre les pages d'un livre parvenu jusqu'au lecteur, par on ne sait quel sortilège, offrant à contempler la magie de l'instant.


Est-il simple d'esprit, celui qui désire se mettre en retrait des autres ? Est-il à honnir celui qui n'a point d'attirance pour les études et d'aptitude à briller aux examens qui jalonnent l'existence de l'écolier-étudiant ? Est-il à juger celui qui s'emmitoufle de solitude, pour mieux respirer, qui s'écarte des autres pour mieux apprendre à habiter son existence ? Est-il si pauvre d'esprit celui que n'habitent aucun souhait de reconnaissance, aucune aspiration de considération, aucune ambition, celui qui ne demande qu'à être transparent, à ne se vêtir que de discrétion, à faire en sorte qu'on oublie et sa présence et son existence ?

Alexis Chauvel est ainsi, toujours à disparaître, à dissimuler ses gestes et sa présence. Enfant, il trouve refuge dans une pièce oubliée de l'abbaye, bien national racheté par un ancêtre et lieu de villégiature et de retrouvailles de la grande famille. En grandissant, il n'aspire qu'à continuer à être le plus humble possible, à être le moins considéré… Ayant échoué aux examens, c'est un parent, qui sans doute rêvait d'avoir ce courage d'être "Autre" et ne l'a pas eu, qui le conseille pour trouver quelques heures de travail et Alexis, désormais, en plus de vacations, sans dévoiler son identité, d'aide dans une librairie de bourg, devient celui qui garde l'abbaye, celui qui prend soin de Chenecé au fil des mois, celui qui en observe, au fil des saisons, la seule présence des arbres et de la faune discrète qui habite les murs de pierres ou les bois...

En abdiquant une présence au monde, Alexis rend davantage perceptible le rapport au temps, l'enchevêtrement des instants, la mesure du temps qui passe. Pour arrêter ce déroulement des heures, des jours, des semaines, c'est la volonté de faire revivre les daguerréotypes trouvés dans "sa" cachette qui finalement arrête la danse des horloges, il est occupé, son temps est employé, la solitude tranquille l'habite entre deux invasions familiales des lieux… La photographie comme un arrêt, comme un retour au passé, un art qui s'affranchit des pendules.

Et puis, c'est le désir de rattraper ce qui lui a échappé au cours de ses études, subies plutôt que vécues, qui le fait se plonger dans les livres, d'abord ceux traitant de sa passion du moment, puis ceux qui l'aideront à recréer ce verger de l'abbaye… Et puis c'est une rencontre comme seuls les livres l'autorisent, la rendent possible, une rencontre qui murmure à Alexis la légitimité de sa démarche, la cohérence de ses choix… Puisqu'un autre l'a désirée avant lui, cette vie en retrait, en oubli...


Un tout petit livre mais si dense d'un style d'écriture qui se déplie et se déroule pour l'enchantement de celui qui lit. Des pages qui laissent échapper ces silences peuplés seulement d'arbres et de nature, partageant une forme de sérénité. Une solitude justifiée et s'apprivoisant comme un oiseau à retenir sur la main. C'est tout cela que contiennent les mots de ce récit.
Une halte, un havre si précieux dans nos vies troublées quand le regard embrasse le monde si tourmenté…
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