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Critique de Henri-l-oiseleur


Entre le III° et le VIII°s, de nombreux moines bouddhistes chinois firent le long voyage de l'Inde, par voie de terre à travers l'Asie Centrale et l'Himalaya, ou de mer quand la voie terrestre était bloquée. Ils partaient vers ce qui était pour eux une Terre Sainte, les lieux où le Bouddha était né, avait médité, trouvé l'Illumination, et était mort. Mais ce pèlerinage était aussi une quête de livres sanskrits contenant la doctrine et la discipline bouddhiques. Ils les recopiaient ou les rapportaient, et les traduisaient en chinois. Ils laissaient aussi le récit de leur voyage, qui souvent, au fil des siècles, enrichissait l'imagination des romanciers et des librettistes d'opéra. L'un de ces voyageurs, Faxian, est publié dans la collection des Classiques asiatiques des Belles-Lettres ("Mémoire sur les pays bouddhiques").

L'Asiathèque a eu la bonne idée de rééditer le livre de René Grousset consacré au pèlerin traducteur Hiuan-tsang (Xuanzhang, 602-664), publié pour la première fois en 1929. L'auteur a soin de ne pas livrer au public une traduction du récit de voyage de Xuanzhang : un texte ancien peut avoir quelque chose de déroutant, et nous découragerait, comme Faxian ou, plus près de nous, Ibn Battûta, le voyageur et pèlerin arabe. Donc René Grousset nous raconte lui-même ce voyage, en supposant que nous ne savons rien de la Chine des T'ang, ni de l'Inde, ni du bouddhisme. En cela il a raison, et il écrit son livre comme parlerait un guide de voyage compétent qui apprendrait à des touristes comment voir des paysages, des oeuvres d'art et des idées, car ils ne savent pas les déchiffrer eux-mêmes. Le regard s'éduque, et le regard de l'ignorant ne voit rien.

Enfin, René Grousset est de la vieille école, de la culture telle qu'elle était avant que ne tombe la nuit progressiste. Il sait évoquer admirablement l'épopée guerrière des débuts de la dynastie T'ang, il sait faire voir sa grandeur, comme il sait faire sentir la beauté plastique de l'art des cités indo-européennes de l'Asie Centrale, celui de l'Inde gangétique, ou du sud. Il parvient même à résumer la difficile métaphysique bouddhique du Grand Véhicule. Il ne se donne pas la peine de rappeler que la guerre, c'est mal, que les Indo-européens, ça n'existe pas, et que la religion est l'opium du peuple, sauf l'islam qui prêche la tolérance. C'est un vrai plaisir littéraire de lire un auteur qui ne nous prend pas pour des imbéciles et ne colporte pas des évidences vertueuses. René Grousset est le témoin d'une autre époque, comme en témoigne sa fiche Wikipédia, rédigée par deux flics historiens du Parti du Bien, indignés, forcément indignés.

C'est donc à un double voyage dans le passé que nous sommes conviés : dans notre culture européenne aujourd'hui éliminée, et dans l'Asie Centrale et l'Inde avant la conquête musulmane.
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