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Critique de Lamifranz


J'avais vu cette dramatique à la télévision en 1999 ou 2000 (la pièce avait été créée en 1998 au théâtre Hébertot), et j'avais été emballé tant par le sujet traité, que par la façon dont l'auteur nous le présentait. La mise en scène et l'interprétation étaient de premier ordre. On sortait de là à la fois abasourdi, ravi... et rempli de questions sans réponses.
L'Atelier n'est pas une pièce comme les autres. Ici pas de règle des trois unités : si l'action se passe toute au même endroit (l'atelier de couture), elle se déroule sur sept ans, de 1945 à 1952, et se compose d'une succession de dix tableaux, et donc de dix scènes sans rapport direct entre elles, sauf une continuité chronologique.
C'est d'ailleurs cette continuité chronologique qui marque l'évolution de l'atelier dans le temps : depuis l'immédiat après-guerre jusqu' au début des années 50, on assiste à la vie des ouvrières qui se calque sur l'évolution de la société. La pièce toute entière repose sur les dialogues qui font ressortir les personnages, à la fois individuellement (chacun a sa propre histoire) et collectivement (on comprend que l'atelier est un microcosme où l'auteur indirectement veut parler de la déportation et de la Shoah)
C'est forcément un sujet difficile. Et c'est bien parce qu'il est difficile que Jean-Claude Grumberg ne l'aborde pas de front : c'est à travers le dialogue, des répliques glissées pendant des conversations banales, que l'on perçoit la vérité des personnages, et leur histoire. Cette disposition éclatée permet une multiplicité de points de vue, un kaléidoscope d'opinions sur ce drame évoqué avec gêne et pudeur pour certains, insouciance pour d'autres, avec même quelques relents d'antisémitisme, (plus automatiques que raisonnés d'ailleurs).
Le regard sur la Shoah reste le thème principal de la pièce : comment vivre après ce qu'on a vécu ? Les plus jeunes, avec toute l'insouciance de leur âge, vont oublier (mais peut-on tout oublier ?) Et les autres devront "faire avec", comme on dit.
Dans cette multiplicité d'angles que les personnages jettent sur le drame, peut-être de faut-il pas oublier le point de vue de l'auteur. On ne le connaît pas, il n'en fait pas état, et aucun de ses personnages n'est son porte-parole (ou alors tous à la fois), mais à travers la familiarité des dialogues, le "pointu" de l'analyse psychologique de ses acteurs, on sent qu'il a pour eux (et notamment pour Simone, personnage qui lui est inspiré par sa mère) une infinie tendresse.
Sans doute faut-il être juif pour cerner toutes les implications "en creux" de la pièce. Il n'est pas nécessaire de l'être pour saisir tout ce qu'il y a d'humanité dans ces tableaux où la banalité la plus quotidienne cache une réelle profondeur, et où la somme de ces drames personnels et intimes (auxquels nous, spectateurs, participons malgré nous) constitue une partie de notre histoire - et de notre Histoire.
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