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Critique de Rodin_Marcel


Guérif François – "Du polar : entretiens avec Philippe Blanchet" – Payot&Rivages/Rivages-noir, 2016 (ISBN 978-2-7436-3600-5) - Réédition en format poche de l'ouvrage paru en 2013 dans la collection "Manuels Payot" (ISBN 2-228-90882-7)

Un ouvrage incontestablement fort utile, si ce n'est incontournable, pour les amateurs du genre roman policier ou roman noir, et même pour l'histoire de l'apparition et du développement de ce type de littérature en France après 1945. Avant d'en détailler les mérites, il convient toutefois d'en préciser deux fondements.

Le premier, c'est que l'auteur base ses réflexions sur le postulat de la prééminence de l'apport états-unisien dans ce genre. Pour lui – comme pour de nombreux autres historiens de ce sujet – la littérature dite "noire" est apparue aux États-Unis : pendant longtemps, les auteurs francophones se frottant au sujet n'auraient fait que décalquer ce qui se faisait Outre-Atlantique. Pour ma part, bien que n'étant pas du tout spécialiste de ces questions mais uniquement lecteur relativement assidu, je me demande souvent dans quelle mesure ce postulat est fondé : je pense qu'il faudrait creuser la question de façon plus exhaustive, car Guérif lui-même admet qu'il y eut tout de même des précurseurs européens.

Le deuxième, c'est que François Guérif est né en 1944, qu'il fait donc partie de cette génération intellectuelle qui campe toujours sur ses positions plus ou moins soixante-huitardes de gauche radicale. Pour lui, le roman noir doit refléter la "société pourrie dans laquelle nous vivons", il doit servir à remuer et exhiber la corruption, les vices et tout et tout ce qui caractériserait spécifiquement notre époque. Ce point de vue a marqué toute une génération, et continue d'être prééminent dans la plupart des cercles cultureux : il constitue l'un des piliers de ce qui est devenu une bien-pensance obligatoire, quelque peu hypocrite (puisque ces mêmes dénonciateurs pourfendeurs sont le plus souvent pleinement intégrés dans ce système au point d'y faire fortune ou au moins d'en vivre fort correctement).
Pour conclure sur ce point, je tiens à souligner qu'ayant vécu les années de plomb dans l'Allemagne de la bande à Baader-Meinhof, je ne pourrai jamais être d'accord avec la position de François Guérif sur l'affaire Battisti.

Ces points étant éclaircis, il convient de souligner les grands mérites de ce livre de témoignage. A commencer par le fait que l'auteur fut lui-même un acteur clé de ce secteur éditorial, et qu'il sait en rendre compte (avec Philippe Blanchet) – d'une manière extrêmement vivante : c'est passionnant, ça se lit comme un (excellent) polar !!!
Autres mérites (liste non exhaustive) : les propos de Guérif fourmillent de précieuses remarques stylistiques, de précisions historiques, de citations des oeuvres visées, d'exemples concrets, de mises en relations avec le cinéma et les films tirés de ces romans : évidemment, c'est un témoignage subjectif, et c'est excellent précisément parce que cette subjectivité est délibérément assumée. L'ouvrage se termine d'ailleurs par une liste "les polars de ma vie" mentionnant ce que Guérif considère être à ses yeux les cent meilleurs polars.

Seul bémol : Blanchet et Guérif devraient maintenant s'atteler à un même témoignage, centré cette fois délibérément sur les polars et romans noirs européens...

Tout lecteur acharné de roman noir et/ou de polar ne peut que rendre hommage au travail effectué par François Guérif durant toutes ces décennies, sans ménager sa peine ni jamais renoncer à prendre des risques en tant que responsable, successivement, de diverses collections, dont la dernière "Rivages/Noir" ne publie quasiment que des bons titres.
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