AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MarcoKerma


C'est un récit d'une cinquantaine de pages, sec, sans fioritures et pétri dans l'humanité des travailleurs de l'entre-deux guerre, comme les quelques personnages qu'il contient : un "petit" patron plâtrier, qui travaille avec 2 compagnons (dans tous les sens du terme) - dont l'un l'est depuis l'enfance - est usé, usé certes par le travail (10h/jour, 6 j sur 7) mais plus inexorablement par la vie, celle qui oblige le frère à partir du pays, celle qui enferme la soeur devenue folle, celle qui envoie les hommes faire la guerre de 14.. Les lieux ne sont pas nommés mais il s'agit d'une ville non loin de la mer, qui ne joue d'ailleurs aucun rôle ici, comme si elle n'existait pas pour eux (pas le temps). St-Brieuc, la ville de Louis Guilloux ? Peu importe car ce n'est pas l'important. L'important ce sont ces gens - hommes et femmes - avec leurs paroles d'un français d'une autre époque , ces gens simples, directs, francs, généreux, logiques, lucides, avec leur sens du devoir et la nécessité de travailler pour manger et se mettre à l'abri dans de biens modestes logis où le superflu d'aujourd'hui n'existe pas. Mais on mange à l'auberge le midi quand c'est possible, un bref passage au café le samedi soir, le jeu de boules (bretonnes sans doute) le dimanche et un ciné la veille. Ce n'est pas une vie "pauvre" dans le sens de misérable. Les "loisirs" sont chiches mais on devine la vie sociale peut-être plus riche qu'aujourd'hui. On mesure quand même l'évolution de la vie matérielle par rapport à il y a 1 siècle (je parle pour la plupart des gens).
Le début de la préface d'Albert Camus, remarquable dun bout à l'autre : "Presque tous les écrivains français qui prétendent aujourd'hui [ début des années 50] parler au nom du prolétariat sont nés de parents aisés ou fortunés. Ce n'est pas une tare, il y a du hasard dans la naissance, et je ne trouve cela ni bien ni mal. Je me borne à signaler au sociologue une anomalie et un objet d'études" etc etc.
Cette préface est un très grand texte, cinglant, intelligent, droit, intègre, sincère, humaniste, très efficacement et habilement écrit, bref, à la hauteur de l'écrivain et apporte une autre dimension, plus grande, à la nouvelle de Guilloux.
Mais est-ce une "nouvelle" . Ou un récit documentaire sur un destin particulier mais néanmoins largement répandu ?
Comme Camus l'écrit en préface, on lit ce récit, à hauteur d'homme, en ayant, à la fin, la gorge très serrée d'émotion et - j'ajoute une précision personnelle - aussi de colère.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}