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Critique de Gribouille_idf


C'est par hasard que je suis tombé sur le petit livre du journaliste turc Kadri Gürsel. J'étais dans l'une des bibliothèques municipales de mon agglomération à la recherche d'un livre sur la situation géopolitique en Syrie. Je voulais en savoir plus sur la prise de la ville de Kobané par ce que nous avons, nous occidentaux, pris la mauvaise habitude d'appeler Etat islamique, sans concrètement pouvoir le nommer. Mais peu importe. Dans le rayon, se trouvait alors exposé l'ouvrage de Gürsel: « Turquie, année zéro ». N'ayant rien d'autre à me mettre sous l'oeil, je pris le livre avec hésitation car je me doutais un peu de ce que j'allais y trouver.

Le premier chapitre du livre pose d'emblée le motif de son écriture: « la police de la pensée ». Ce journaliste explique qu'il fut licencié du quotidien national Milliyet le 22 juillet 2015 à cause d'un tweet contre le régime d'Ankara lorsque le président Hollande a présenté ses condoléances au président Erdogan après l'attentat de Suruç (ville à quelques kilomètres de Kobané, frontière syro-turque) survenu deux jours avant. Selon lui, l'Etat policier turc, et en particulier le président Recep Tayyip Erdogan, n'a pas supporté son commentaire qui dit :  « Il est honteux que des responsables étrangers appellent la personne qui est la principale responsable du terrorisme de l'Etat islamique en Turquie pour lui présenter des condoléances après l'attentat de Suruç.»
A partir de là, tout le livre est une tentative, à mon sens ratée car revancharde, pour démontrer que le président turc a sinon facilité du moins fermé les yeux sur les agissements de l'Etat islamique. La démonstration ne repose sur aucun fait solide et la faiblesse de son argumentation se limite à pointer le totalitarisme, le conservatisme et l'islamisme radical du régime turc sans même justifier ses attaques ad personam.
Si le régime d'Ankara pratique la police de la pensée, ce qui est fort possible, il use d'une méthode qui se retrouve très largement dans les démocraties occidentales les plus avancées telle que la France où les pouvoirs sont séparés depuis bien longtemps. Depuis une décennie, l'Etat français (même au temps d'une gauche dite progressiste) s'est effectivement durci et pratique un sécuritarisme insidieux qui ferait presque rougir certains dictateurs (il suffit pour s'en convaincre de reprendre la série de lois qui remettent en cause les libertés fondamentales comme celle sur le Renseignement votée au début de l'été 2015)

Finalement ce qu'exprime Gürsel n'est ni plus ni moins que la manifestation d'une volonté de pouvoir à la place de ceux qui l'exercent aujourd'hui. Il se place en opposant politique et je vois mal comment pourrait-il sortir la Turquie de son marasme et de sa dictature en s'inspirant d'Atatürk et de Mitterrand ?
Cette liberté d'expression qui anime tant Gürsel se limite en réalité à une expression sans l'exercice véritable de la liberté (qui est un leurre de la démocratie) et il y a fort à parier qu'il n'en accepterait aucune qui soit contre la sienne si un jour il se veut postulant au trône et que le peuple turc lui délègue démocratiquement sa souveraineté. Peut-être devrait-il relire à l'endroit et entièrement la fameuse dystopie orwellienne ?
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