Seconde tentative pour apprécier la plume de Lily Haime, second échec. Il va sans dire que je n'ai pas apprécié ma lecture... J'avoue avoir été agréablement surprise par les 2 premiers chapitres, qui me paraissaient vraiment matures, adultes, pensés, contrairement à l'expérience Clair Obscur. Quelle déception lorsque je me suis aperçue qu'on tombait dans la même histoire... Je n'ai pas pour habitude de casser des histoires, ni même les auteurs tant l'âme qu'ils y mettent peut rendre fragile à toute critique crue, mais bon sang, je ne pourrais pas passer à côté sans vous en parler.
J'ai lu dans de nombreux avis à quel point la plume de l'auteure était riche de poésie et de qualité qui touchait le coeur de ses lectrices, mais je n'y ai malheureusement trouver qu'une redondance et une lourdeur ou une trop grande légèreté à évoquer des sujets incompatibles. Poétiser la torture, la douleur, la psychologie sombre de Rafael, pourquoi pas, mais ça ne se fait pas n'importe comment... D'une phrase à l'autre, on passe de la colère à la poésie, puis à la colère, puis au bonheur, puis... on pourrait en citer tellement... J'ignore s'il s'agit d'un défaut original, mais j'avoue ne pas avoir été séduite par le style, loin de là. Lourd, cru, faussement poétique, redondant, incohérent, j'ai quasiment pu anticiper chaque moment où la plume se voulait "émouvante" tant l'erreur était prévisible...
Les nombreuses thématiques sont lourdes, et sensibles. Et qui dit "sensible" dit "besoin de recherches assidu et d'une parfaite connaissance du sujet". Cela a-t-il été le cas pour Abysse ? de loin, grand diable, non. Les précisions qui suivent peuvent comporter des spoilers :
Commençons par Rafael, ce grand garçon un peu trop brisé que la vie n'a pas gâté.
Prostitué trop jeune, enfermé dans une spirale de violence, d'abus et de dévalorisation de soi, ça partait plutôt bien. Les 2 premiers chapitres reflétaient vraiment cette douleur et cette profondeur à laquelle on s'attache en tant que lecteur. Quand est-ce parti dans le non-sens ? Dès l'arrivée de Caleb. Dès son arrivée, on assiste aux redondances les plus extrêmes, aux incohérences les absurdes. Incohérences ? Peut être n'est ce pas le bon mot. Peut être devrait-on parler de manque de développement plus que d'incohérence. Les actions et les réactions de Rafael pourraient trouver leur légitimité si son développement n'était pas justifié par des pensées comme "Je suis un prostitué, personne ne peut m'aimer", "Je suis un prostitué, je te rendrai malheureux", "Je suis un prostitué, je ne mérite pas le monde", "Je suis un prostitué, je suis un objet". Quand a-t-on fait face à ce ressentiment traumatique hormis dans ces phrases répétées tant de fois qu'on finit par lever les yeux ? le traumatisme de la déshumanisation ne peut en rien se résumer à quelques pensées sombres sur sa condition. C'est un rapport au corps, au monde et à la vie bien différent du seul rapport d'un prostitué avec tous ceux qui pourraient être ses clients. L'incohérence la plus monumentale de ce personnage : son traumatisme décrédibilisé pour mieux sexualiser sa relation "amoureuse".
Et parlons-en de cette relation.
Ah, Caleb, grand brûlé dont le rapport au corps est alimenté de dégoût, de peur et de perte d'estime de soi. Caleb qui, malgré ses 150 de QI, parle et réfléchit comme s'il en avait 110. Quel genre de Caleb présenté intelligent et blessé se laisse toucher, et mieux encore, "baiser" (Comme l'aime tant dire l'auteure), la journée après la révélation de son secret de mutilé, par un homme qui ne respecte en rien ses blessures psychologiques ? le rapport au corps d'un homme traumatisé change-t-il si vite lorsqu'on a trouvé l'amour ? Peut-on se laisser "baiser" juste parce qu'on a avoué que ses vilaines brûlures sur l'arrière du corps n'avaient rien d'attirant, voire qu'elles étaient repoussante, sans émettre de réserve, de peur ou de dégoût envers le fait d'être vu ?
Une énorme incohérence qui rebute, et voire insulte.
Les personnages secondaires ont sûrement été plus grandes déceptions encore. Abou, cliché d'une figure moralisatrice, Mac, cliché d'une figure "attendrissante" meurtrie dont le coma se passe aussi vite qu'une tournée des bars, Charles, cliché de la figure du méchant sadique qui blesse juste pour blesser parce qu'apparemment c'est tout ce qu'il fait de l'histoire, la famille d'Abou, aux personnages tellement parfaits et interchangeables que personne ne s'en rappelle tant ils servent juste à dire que "Oh oui, Rafael a vraiment trouvé une bonne famille qui l'aide".
J'ai rarement vu aussi peu de développement et d'attention mise sur les personnages figurants.
Chaque personnage a une histoire lourde de drame, qui aurait pu avoir son charme sur le drame ne devenait pas le moteur principal de l'histoire.
Chaque chapitre, Rafael se fait un peu plus blesser par ses clients brutaux, ou par le fameux Charles, ou alors c'est Mac qui s'en prend plein la tronche, ou alors Abou, ou alors... Oui, toujours un "Ou alors", parce que le drame ne s'arrête que, et encore, lorsqu'une partie de jambes en l'air est prévue entre les deux protagonistes principaux.
Cette histoire vit du drama intense, du drama répété, tout comme son homologue Clair Obscur qui suit sensiblement le même schéma.
Abysses porte bien son nom. Il traite de sujet sombres et de drames, tout le long. Peut-on se sentir concerné ? Touché ? Tant qu'on n'a pas vécu un seul des sujets traités, je pense que c'est possible, mais lorsqu'on est lié à la réalité cruelle de la vie, celle qui ne mélange pas "divertir par le drama" et "drames de la vie", on ne peut que rire jaune et se sentir offensé de lire une telle oeuvre.
J'ai encore une fois été déçue et énervée par la considération qu'on donne à la littérature LGBT, parce qu'elle mérite beaucoup mieux qu'une mise en scène sexualisée au possible et au drama non-justifié.
Commenter  J’apprécie         40