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Critique de Diomedeine


Encore mineure, Marie-Claire, vous vous faites violer par votre ex petit copain. Vous décidez d'avorter. Votre ex petit copain vous dénonce à la police. C'est vous qui devez rendre des comptes devant la justice.

Vous êtes une toute jeune fille en Tunisie, Gisèle, brillante à l'école, mais votre père ne s'intéresse qu'aux résultats scolaires de vos frères. Une fille, ça ne compte pas. Et bien vous devenez avocate.

Pendant la guerre d'Algérie, vous défendez de très jeunes combattants qui risquent la peine de mort. Voilà que vous tombez enceinte sans l'avoir voulu et que vous enragez de voir vos forces vous quitter au moment où vous devez mobiliser toute votre énergie pour plaider.

Mais pourquoi personne n'en parle, de ce fardeau de la grossesse non désirée, vous dites vous ! Une femme ne peut donc pas conduire sa vie ?

Marie-Claire a besoin d'un avocat, pas cher. Gisèle pose ses conditions : que Marie-Claire accepte que Gisèle fasse éclater le scandale de sa situation. "Mais non, moi je ne veux surtout pas me mettre en pleine lumière - c'est déjà suffisamment la honte sur moi ; je veux juste ne pas finir en prison" (en substance). "Alors tant pis, cherchez un(e) autre avocat(e)". "Bon, alors d'accord".

Des dizaines de milliers de femmes manifestent, viennent vous soutenir à vos procès - car, il y a plusieurs personnes en cause. En effet, fille de famille très modeste, vous ne pouviez pas réunir l'argent pour partir en Angleterre sans que personne ne le sache ; et puis vous étiez mineure ; il a fallu le dire à maman sans le sou qui s'est trouvé obligée d'aller voir la faiseuse d'ange sympa, qui prend pas cher pour organiser "ça". Il y a donc plusieurs procès

Mais aussi, des mobilisations, des témoignages : une pétition dite des "300 salopes" - 300 femmes célèbres qui disent "moi aussi, je me suis fait avorter" ; des médecins catholiques pratiquant : "je suis contre l'avortement mais j'ai dû me résoudre à procéder à des avortements", etc.

Marie Claire : relaxée, oui, mais pas sa mère.
Manif.
Sa mère relaxée, oui, mais pas la faiseuse d'ange.
Manif.
La faiseuse d'ange : relaxée.

Ah bon, vous les juges, on vous a convaincus qu'aucune n'est coupable ? Qu'avorter n'est pas un crime ? Et bien nous voulons à présent que ce soit un droit pour toutes les femme !

Et c'est reparti : manifestations, pétitions.
Ça y est c'est un droit.

C'est un droit ? Mais seules les femmes qui ont de l'argent pourront se le payer, comme avant, comme lorsqu'elles allaient se faire avorter en Angleterre... Non, non, pas question : l'avortement doit être remboursé par la sécurité sociale !

Et c'est reparti : manifestations, pétition.

Et c'est ainsi que l'avortement est devenu un droit pour toutes, remboursé par la sécurité sociale.

Après le droit au divorce, encore un énooorme pas franchi vers l'égalité des droits hommes-femmes. Il a été précédé de très peu du droit à la contraceptlon.

Lisez "la perle et la coquille" de Nadia Hashimi pour voir à quelle condition d'esclave domestique et sexuelle peut encore être réduite une femme au 21e siècle.
L'absence de droit, c'est le lot d'une écrasante majorité (je ne crois pas exagérer) de femmes sur la planète.

Voilà en tous les cas dans "La cause des femmes" toute l'histoire du procès de Bobigny, comme on a appelé le procès de Marie-Claire défendue par Gisèle Halimi, et racontée par Gisèle Halimi dans ce livre.

On ne peut le quitter - on le lit d'une traite.

Et Simone Veil dans tout cela ? Je ne me souviens même pas si l'auteure en parle... Simone Veil a tout simplement mené, là où elle était, à l'Assemblée, sa part d'un combat, mené dans la rue, les arrière salles, les foyers domestiques, par des dizaines (des centaines ?) de milliers de femmes dans cet après 1968. Autrement dit, sans lui enlever son mérite, elle était portée par une très large mobilisation qui comprenait des hommes aussi d'ailleurs.

D'ailleurs je ne me souviens plus si La cause de femmes fait bien toute leurs places aux mobilisations - si le livre ne tire pas la couverture au seul procès...

Frais lecteurs, rafraichissez moi la mémoire, svp.

En tous les cas, non, tout ça n'est pas "grâce" à une avocate ou grâce à une ministre. Comme tout droit, il n'a le pouvoir de changer la société que lorsqu'il a été arraché par en bas, par de larges mobilisations. Car dans ces conditions, une fois gagné, il sera défendu bec et ongle de toute part à la fois.

Même si cette limite existe, dans ce livre, consistant à réduire le combat des femmes à un combat juridique, "La cause des femmes" est un récit véridique passionnant et entousiasmant.

Je vous raconte tout cela : je l'ai lu il y a 15 ans. C'est dire qu'il m'a marquée.
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