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Critique de PrettyYoungCat


Comme j'aurais voulu aimer « le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux ». Un titre poétique, une jolie couverture à l'atmosphère rétro (sur l'édition grand format), un thème qui m'est cher (la seconde guerre mondiale) avec un épisode particulièrement sensible : les femmes internées à Ravensbrück et les expérimentations qui y ont été faites.

Mais si je ne peux pas dire que j'ai détesté, je suis bien loin du coup de coeur attendu et cela à cause du traitement des personnages (certains ayant existés).

D'abord, je m'offre une parenthèse pour passer un petit courroux sur cette mode littéraire du roman polyphonique. Ce qui était une originalité auparavant devient un procédé quasi systématiquement usité dans la littérature contemporaine. Parfois cela s'y prête très bien et apporte une plus-value. Mais en l'occurrence, dans cette histoire j'ai trouvé que cela avait pour but de créer artificiellement un « suspense » et cela m'a surtout donné l'impression de couper le récit au lieu de lui apporter une dynamique.

Cette histoire comporte trois personnages principaux.

Caroline tout d'abord, qui a réellement existé, est bénévole au Consulat de France à New York pour aider les familles et orphelins de France durant la guerre. Néanmoins, alors que ce personnage pouvait s'avérer hautement attachant et intéressant, c'est l'héroïne qui m'a vraiment exaspérée. En fait l'auteure a cru bon d'ajouter une histoire d'amour avec un acteur français et cela m'a rendu l'histoire d'une mièvrerie aux relents sucrés écoeurants. Quelques extraits improbables «Le malheur lui allait bien. Mal rasé, débraillé, séduisant dans sa peine. »
Alors qu'il revenait de déportation…
Et je ne suis pas sûre que la vraie Caroline aurait apprécié qu'on fasse d'elle une cruche superficielle : « de plus j'étais devenue experte dans le choix de bon manteau pour un enfant. L'essentiel était de trouver la couleur adéquate. Nous étions à Paris, après tout. Un manteau jaune sur un enfant au teint cireux était presque pire que pas de manteau du tout. »
Tout simplement affligeant !

Kasia ensuite, est une Polonaise déportée au camp de Ravensbrück avec notamment sa soeur et sa mère. Elle sera la victime d'expérimentations effectuées par les médecins nazis. Surnommées les "Lapins" car sautillant après les atroces mutilations exercées sur leur(s) jambe(s) et parce que cet animal est utilisé dans les laboratoires, j'y ai appris que ce sadisme consistant à prélever une partie de l'os et du muscle de la jambe et d'y introduire toutes sortes de corps étrangers avait pour but de recréer la blessure de Reinhard Heydrich (décédé suite à l'attentat perpétré par la résistance Tchèque) pour vérifier s'il aurait pu être sauvé par l'inoculation de sulfamides. Ce que prétendait Hitler qui éructait que tout n'avait pas été fait pour sauver son ami. Détail qui m'a intéressée, même si je savais déjà que les expériences menés par les nazis étaient souvent destinées à réduire les pertes de soldats allemands et donc à reproduire les conditions et blessures auxquelles ils étaient confrontés. J'ai appris aussi que la Pologne avait été sous le joug du communisme soviétique durant de nombreuses années après la guerre. Autant dire une dictature. Pas un mot néanmoins du côté juif et des pogroms que l'on pouvait encore déplorer après-guerre. le personnage de Kasia ne m'a étrangement pas été particulièrement attachant malgré toutes les horreurs subies… et je prête cela encore une fois à l'écriture de l'auteure car tous les ingrédients sont pourtant réunis pour qu'on ne puisse qu'éprouver de la compassion.

Enfin, Herta, femme médecin allemande qui s'enrôle à Ravensbrück sans vraiment à quoi s'attendre. Elle s'imaginait un camp de travail et d'éducation pour femmes et découvre qu'on y pratique des barbaries. Elle s'en offusque et décide qu'elle ne restera pas. Finalement, la conjoncture économique de sa famille la contraint à rester… Creuser la psychologie de ce personnage était donc quelque chose de vraiment intéressant à travailler selon moi. Comment bascule-t-on du « côté obscur » ? Voilà une question captivante. Mais la narration nous dresse un regard froid et distant sur les choses « J'avais beau me faire quelques coupures pour soulager la tension, je n'arrivais toujours pas à dormir. » Je ne sais pas trop si quelqu'un qui se scarifie penserait en ces termes, comme on prendrait une tisane les jours où on se sent nerveux. Il y avait matière à mon avis à complexifier (car je pense que le cloisonnement psychique en cours chez les bourreaux nazis n'est pas simple à analyser) le personnage et à développer la partie émotionnelle. Malheureusement ça n'a pas été le cas.

Suis-je devenue particulièrement difficile après toutes ces lectures sur la seconde guerre mondiale ? Il se peut bien. « le lilas ne refleurit qu'après un hiver rigoureux » n'est pas un mauvais livre. Mais il aurait pu être un grand livre.

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