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Critique de afriqueah


Elle est coquette, tourne un peu du cul qu'elle sait conséquent, fait des manières, coquine, les yeux marrons et de longs cils noirs dont elle use avec un art consommé. Et c'est une grosse gourmande. de sucre. Elle s'appelle Jasmine.
Son compagnon, une force de la nature, ne voit rien qui bouge qui ne l'intéresse pas, ou pour le dire plus clair: un baiseur. Il s'appelle Raja.

Ce sont les deux éléphants du roman de Tarquin Hall, « Vers le cimetière des éléphants », domestiqués tous les deux, et enrôlés dans la poursuite d'un éléphant tueur.
Comment ça , tueur, se dit Tarquin, un journaliste anglais basé à Delhi ?

Sûrement , dit il ,on peut le réadapter, le calmer, lui faire entendre raison, le mettre dans un zoo, ou dans une réserve naturelle et puis sans doute un paysan s'est plaint de la dévastation de ses récoltes pour cacher sa volonté de déboiser. Les éléphants sont généralement doux et pacifiques, ce ne sont pas des tueurs.

Avec une distance ironique d'occidental qui connaît suffisamment bien la société sur laquelle il enquête, et qui se réserve en même temps un décalage entre les croyances animistes en lesquelles il ne croit pas, et ses propres croyances en la ré éducation d'un éléphant solitaire et agressif, sans devenir un fanatique de la protection de l'environnement, puisqu'il n'est pas chez lui et ne connaît ni la langue, ni les coutumes, Tarquin Hall nous emmène en Assam, à l'extrême Est de l'Inde.
Chemin faisant, nous approchons les caractères des éléphants : ils sont intelligents, ça, on le savait, ce sont les seuls animaux dont le cerveau se développe au cours de leur vie, ce qui les rend curieux et aptes à apprendre.
Ils devinent ou ressentent les pensées de ceux qui les aiment.
Ils réagissent parfois à des phrases entières, et non pas seulement à des mots clés.
Certains peignent.
Ils communiquent entre eux à basse fréquence à une dizaine de kilomètres de distance.

Intelligents, intuitifs et rancuniers, émotifs et sentimentaux.

Mais ils ont été chassés et ont dû renoncer à leurs routes traditionnelles, par le déboisement, la culture du thé, et la construction de nouvelles villes, chemin de fer, routes et fossés. Ils ont dû réinventer leur passage, abattant des arbres pour en faire des ponts, jetant de l'eau avec leur trompe sur les barbelés électriques, et les troupes sauvages bien que décimées, survivent.
En Assam, une superstition veut que tuer un éléphant rende maudit. Entre les éléphants domestiqués et le mahout (cornac) il y a une affinité particulière ; on a vu des mahouts mourant de chagrin après le trépas de leur éléphant. Et les éléphants entre eux ont une claire conscience de la mort, ils enterrent leurs défunts.
Voilà pourquoi on parle du cimetière des éléphants, et que de nombreux mythes se sont développés à leur sujet.

Alors, un éléphant tueur ? Il a tué 38 personnes, c'en est trop, il est solitaire, comme tous ceux qui se font mettre à l'écart de la troupe par les grand mères car trop violents.

Roman à rebondissements, loin du parti pris pro occidental ou pro indien, très proche de la vérité d'un peuple pas très aimé de la capitale, longtemps anglais grâce à la culture du meilleur thé du monde, pauvre : « les mahouts « ressemblaient plus à des videurs de bar louche qu'à des conducteurs d'éléphants », rempli de superstitions, de fausse sainteté : « le saint homme ajoutait que la solution consistait à lui acheter un de ses charmes qui nous permettrait de voir l'animal », crasseux : « le cuisinier entassait à grands coups de louche les têtes de poisson frites dans des assiettes en plastique sans doute rachetées lors de la mise en liquidation d'une prison voisine », et aussi sentimental que les éléphants qu'il défend.

Cet humour anglais aère le propos, car il est quand même question des braconniers, cherchant l'ivoire et les cornes de rhinocéros aux effets aphrodisiaques (est ce bien utile maintenant que le viagra existe ?), ainsi que de la traque d'un éléphant détraqué, retors, irrémédiablement et sciemment assassin, dont nous comprendrons l'histoire pathétique à la fin.

Il est surtout question de la découverte, au delà des croyances des uns et des autres, de la profonde connaissance rare du chasseur professionnel auquel se joint Tarquin : il connaît les pachydermes, leur donne leur chance et les respecte.
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