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Critique de ecceom


Play it again, Sam Spade !

Avec la nouvelle traduction intégrale de Nathalie Beunat et Pierre Bondil, on peut enfin se faire une idée précise de ce roman, peut-être un des plus célèbres dans le monde du polar.

Et là, il faut bien se rendre à l'évidence, ça coince.

Et ce, dès le début avec par exemple, une description du visage de Spade qui accumule les "V" : « le menton saillant en forme de V sous le V plus flexible de la bouche. Ses narines s'incurvaient vers l'arrière pour former un autre V, plus petit. Ses yeux gris-jaune étaient horizontaux. le motif du V revenait... »

Le reste est un peu à l'avenant. le style, serré et parfois remarquable, est souvent aussi, très lourd, ennuyeux et répétitif. Les yeux sont « ronds, cernés de blanc », les « iris entourés de blanc », les deux lignes verticales au-dessus du nez »....pullulent.
Bref, tout ce qui pouvait paraître novateur en 1930, grince un peu plus désormais.

Que dire de l'histoire ?
Relativement simple, elle débute par la visite dans les bureaux du détective Sam Spade, d'une jolie femme : Miss Wonderly.
Elle souhaite qu'on s'assure de la sécurité de sa jeune soeur aux prises selon elle, avec un individu dangereux appelé Floyd Thursby.
L'associé de Spade, Miles Archer, séduit par la dame, accepte avec empressement la mission de filature de l'homme suspect.
Mais les choses tournent mal et on retrouve Thursby et Archer, assassinés tous les deux.

Spade qui jusque-là n'a pas semblé intéressée par l'enquête, va s'en mêler.
Il va ainsi découvrir que Miss Wonderly s'appelle en fait Brigid O'Shaughnessy et qu'elle n'est pas l'oie blanche qu'on pouvait imaginer. Elle fait partie d'un groupe de personnes à la recherche d'une statuette ancienne, "Le Faucon Maltais", faite d'or et de pierres précieuses.
Dès lors, le récit va tourner autour de ce pur MacGuffin hitchcockien qu'on ne verra jamais.

Donc un style parfois bancal, une intrigue plus ou moins bien calée...mais comment expliquer le succès de ce livre ?

Tout simplement parce que ce roman expose tous les archétypes qu'il va laisser à un genre qu'il fait naître :
- le détective hard-boiled : dur, cynique voire cruel, bagarreur, sans beaucoup de scrupules (Sam Spade) ,
- sa secrétaire candide et attachante (Effie Perine, mal à l'aise face au comportement de son patron : « Elle se dégagea de son étreinte comme s'il lui avait fait mal. "Non je vous en prie ne me touchez pas dit-elle d'une voix cassée. Je sais...Je sais que vous avez raison. Vous avez raison. Mais ne me touchez pas maintenant. Pas maintenant". Peut-être un des plus beaux passages du livre) ;
- la femme fatale ( Brigid O'Shaughnessy) ;
- la pègre interlope : un Levantin précieux, geignard et fourbe (Joel Cairo), un "cerveau" obèse et hautain (Mr Gutman), un petit caïd teigneux (Wilmer Cook)...

Enfin, au-delà de ça, il est frappant de constater à la lecture du roman, à quel point la version cinématographique de John Huston est exemplaire et les caractères aussi bien interprétés.

Bogart est définitivement Spade avec son sourire comme un rictus ou quand il pince sa lèvre entre le pouce et l'index, Mary Astor forte de son parfum de scandale, incarne la femme fatale (du moins jusqu'à ce que Lauren Bacall incendie le Grand sommeil quelques années plus tard), Peter Lorre est Joel Cairo avec toute son onctuosité malsaine, et Sidney Greenstreet reste pour toujours Mr Gutman.

Roman peut-être très imparfait, mais dont l'importance a été décisive.
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