AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de DocIdoine


La mauvaise foi, qui répond à la lâcheté face à l'intimidation majoritaire, est un phénomène qui me fascine autant qu'il a fasciné Nietzsche, Sartre ou beaucoup plus médiocrement Régis Debray. Les prétextes qu'on se donne pour justifier qu'on aime Hamsun ne sont pas seulement ridicules; ils sont sordides.

Car on n'a pas besoin de ça. Knut Hamsun n'est pas Alphonse de Châteaubriant. Tout chez Hamsun n'est pas essentiellement réductible au nazisme. Il est d'abord Hamsun, il est d'abord un grand écrivain, souvent génial, et son adhésion politique, quoique intégrale autant qu'indéfectible (il mourra en nazi convaincu, et en admirateur d'Hitler) ne se fait nulle part sentir dans son oeuvre artistique.

Il aura eu droit à tous les traitements de mauvaise foi, suivant les saisons d'après-guerre: d'abord déclaré fou, ensuite décrit comme un jobard, c'est maintenant une espèce de crypto-résistant au nazisme. En effet, après la victoire des Alliés sur les forces de l'Axe, que pouvait-on bien faire de ce grand écrivain, prix Nobel dont on ne pouvait diminuer la stature artistique, et qui incommodait fort les tribunaux politiques? L'accuser d'être maboul semblait tout indiqué: il est devenu nazi comme on tombe fou! le tour était joué. Mais psychiatriser l'opposition... n'est-ce pas quelque chose de très totalitaire? Noam Chomsky ayant déjà largement traité le sujet du néolibéralisme mondialisé, "dernier avatar de l'hydre qui a engendré le nazisme et le bolchevisme", je continue.

Aujourd'hui, pour s'excuser de lire Hamsun ou d'amirer son oeuvre, qui n'est pas plus contournable que celle de Louis-Ferdinand Céline, on se met à inventer des histoires: ah, mais il a sauvé des Juifs, des résistants, des... Hein? Où? Quand? Non, à ma connaissance il n'a pas fait ça. Alors le disque change: il n'était pas vraiment hitlérien, il était juste "anti-Anglais"... Si, si, il était vraiment, très, très hitlérien. Et son fils Alrid Hamsun était très, très dans la SS. Et alors? Cela change-t-il un gramme de la valeur de la Faim, de Pan ou de Sur les sentiers où l'herbe repousse?

Sur les sentiers où l'herbe repousse est un merveilleux chef-d'oeuvre d'apaisement. Hamsun au crépuscule de sa vie, condamné, interné, provisoirement déconsidéré, n'est ni aigri ni vindicatif. Il conserve intact cet équilibre supérieur entre la nature et le rêve qu'il exprime de toutes les manières possibles, avec une palette de couleurs extraordinaires, sans fausse bieveillance, sans cette dégoûtante humilité de Tartuffe qui pollue ordinairement la littérature des vaincus. Sincère, simple, sobre, et plein d'humour, il voit partout des merveilles, se réjouit de vivre, et communique au lecteur un sentiment de joie intérieure, panthéiste, presque animiste, et cependant lucide, qui s'apparente, vraiment, à une "sublimation". L'après-midi du faune touche à sa fin, et cette partie vaut bien le prélude.
Commenter  J’apprécie          240



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (22)voir plus




{* *}