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Critique de AnMaHa


J'ai lu La huitième vie à toute berzingue, comme il semble avoir été écrit... D'un côté cette rapidité de l'écriture m'a dérangée (du moins au début), de l'autre c'est ce qui rend le récit haletant, qui est du reste passionnant. Les figures principales y sont attachantes, authentiques - même quand l'auteure ne s'encombre pas de l'authenticité de certaines situations. On a envie de suivre la dans son récit, ses digressions et même ses raccourcis.

A travers le destin de cinq générations d'une famille géorgienne, Nino Haratischwili dresse les portraits de sept femmes et un homme, qui traversent tant bien que mal le XXè siècle, de 1917 à 1993. Les figures de Stasia, Christine, Kostia, Kitty, Elene, Daria, Niza et Brilka sont profondément humaines, chacune à sa façon, et toutes autant courageuses les unes que les autres, jusque dans les concessions qu'elles devront faire un jour ou l'autre face aux oppressions – en tant que géorgiennes vivant sous le joug soviétique, en tant qu'êtres épris d'amour et de liberté mais contraints par une société patriarcale, en tant que soeur ou fille d'un caractère ombrageux.

Chacune d'entre elles passe le relai de personnage principal au moment où elle atteint à peu près la trentaine ou lorsque ses enfants apparaissent (sans pour autant sortir elle-même du récit). Cela donne une impression de continuité de personnage central, en plus de celle donnée par la voix de la narratrice – qui elle-même passera le flambeau d'une manière surprenante, à la suite d'un manifeste sublime d'appel à la vie - car il s'agit bien ici de survivre malgré les traumatismes, de vivre, malgré tout.

Cette construction met en exergue les répétitions de l'Histoire (qui trouvent un malheureux écho actuellement), mais aussi celles que l'on peut trouver au sein d'une histoire familiale : les traits de caractère qui sautent une génération, les ressemblances, les rébellions, les secrets, les conflits. Et l'amour, malgré tout. Car ce qui rend ces figures profondément attachantes, c'est leur humanité authentique, paradoxale : elles sont tout à la fois rebelles, lâches, passionnées, paradoxales. Loin de dessiner des femmes et des hommes au profil manichéen, Nino Haratischwili dépeint l'âme humaine dans tout ce qu'elle a de contradictoire, mais aussi de mouvant à travers les différents âges d'une vie, et porte sur ses personnages un regard cru mais tendre.

Au début de son récit, la narratrice explique vouloir tenter de comprendre son histoire familiale à travers ses fils, comme s'il s'agissait de ceux d'un tapis. Et des fils rouges, il y en a plusieurs : la malédiction (véridique ou imaginée, il faudra aller jusqu'au bout du roman pour le savoir) du fameux chocolat chaud du patriarche de la famille, la guerre, la lutte de femmes pour leurs rêves (sont-elles seulement conscientes, entre mères et filles, qu'elles partagent le même type de destinée ? ), le bras-de-fer avec ce qui voudrait s'imposer comme une fatalité, les fantômes.

Le format long du récit (1191 pages), loin de rebuter, permet une immersion addictive à ces histoires qui ne cessent de s'entrecroiser, malgré les distances imposées par la guerre, la dictature et les frontières, ou par le caractère rigide d'un fils ou l'envie d'indépendance d'une femme. La huitième vie est de ce type de roman qui laisse un vide derrière lui quand on le termine, dont on se dit qu'on relira les pages dont on a corné les coins, pour retrouver ces personnages qui se sont cherchés eux-mêmes.

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