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Critique de BlaueBlume


Pourquoi un best seller aussi incontournable que Catch-22 est-il si peu connu hors du monde anglo-saxon ? Un mystère aussi épais que la disparition de Clevinger par delà des nuages…

Le premier roman de Joseph Heller est le Voyage au bout de la Nuit américain. Tout aussi subversif que l'oeuvre de Céline, il propose sur le mode de l'absurde une dénonciation de la guerre et de l'armée. Son héro, Yossarian, sorte d'anti-Achille moderne d'une épopée tragi-comique, fait partie d'une escadrille d'aviateurs basée sur l'île de Pianosa en Méditerranée. A des centaines de miles du front, c'est moins la terreur des frappes ennemies que la folie des supérieurs internes qui font craindre la mort des aviateurs. Attachés à leur camp militaire par une entourloupe administrative, l'Article 22 qui interdit le rapatriement de quiconque se trouvant assez sain d'esprit pour se faire passer pour fou afin d'éviter le combat, les soldats n'ont d'autres choix que d'effectuer des missions toujours plus nombreuses au bon vouloir d'un colonel tyrannique dont l'unique ambition est de figurer en première page du Saturday Evening Post. Dialogues et épisodes burlesques se succèdent, faisant apparaître une galerie de personnages aussi attachants qu'hauts en couleurs aux noms toujours évocateurs : Milo Minderbinder, le « veilleur » qui pour les « intérêts du syndicat » va jusqu'à bombarder son propre camps pour honorer un contrat juteux avec l'ennemi, Major Major, major de son état bien malgré lui, Nately le « bleu » si candidement amoureux d'une prostituée de la Città eterna, ou encore le lieutenant Scheisskopf, littéralement « tête de merde »… Yossarian, le principal protagoniste est le seul pour qui l'étymologie reste obscure. Peut-être parce qu'il est aussi le seul à reconnaître pleinement la fragilité du nom. Il est si facile d'en changer pour devenir faussaire, si difficile de le faire reconnaître lorsque l'administration se méprend sur son identité… Et si finalement le nom comme l'uniforme n'était qu'une façade pour dissimuler la vérité de chacun, un tas de viscères, de chair et de sang, vérité « n'éclatant » au grand jour que sous le coup des obus ? le lecteur est libre d'interpréter les succédanés de vie militaire que constitue Catch 22, sous la forme d'un immense puzzle narratif. La temporalité est aussi brouillée que l'esprit des personnages car l'auteur substitue à la linéarité une écriture du fragment et du « déjà-vu ». Les événements reviennent comme des leitmotivs sous des angles toujours différents formant ainsi une structure narrative apparemment complexe voire déroutante, mais finissant par se raccorder morceau par morceau. C'est au final l'humour et la dérision qui l'emportent sur la tragédie, trouvant leur expression la plus forte à l'hôpital, où finissent invariablement les soldats après chaque désastre militaire. Les dialogues en particulier, frisant le non sens, sont des compositions très réussies où s'affiche l'aberration de la guerre et du patriotisme triomphant.

La notation subjective et personnelle : 3.5/5. Malgré l'humour, une attention un peu relâchée vers le milieu des 638 pages, pour ensuite revenir avec exaltation dans le dernier quart. Gare à se perdre dans le foisonnement des personnages ! Mais l'expérience reste riche et plaisante. Incontestablement un grand roman.
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