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Critique de Paulette2


Ce livre a vraiment du chien! Quel mordant dans les descriptions, dynamiques et incisives. New York est la "terrible-grande-ville-attention-aux-pick-pockets", Chanel Mademoiselle sent l' "Ajax-vanille". C'est redoutablement efficace, jusqu'au corrosif. On sent une autrice qui n'est pas là pour écrire joli, mais qui est animée par une rage qui donne beaucoup de force à la narration.

J'ai apprécié également les personnages imaginés par Calla Henkel. Elle prend le temps qu'il faut pour les mettre en place : Zoe et Hailey sont deux Américaines expatriées dans un Berlin qui leur échappe, avec l'anxiété qui s'en dégage et qui sert bien l'atmosphère angoissante du récit. La manière dont elles évoluent est très finement observée aussi, Zoe, la narratrice, cheminant vers l'acceptation de son homosexualité alors qu'Hailey s'enfonce dans un délire toxique. La lenteur permet l'effet maximal de chaque nouvel élément inséré, sans ennui.
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Côté thriller, ça marche aussi ! La tension narrative monte progressivement, sans recherche du spectaculaire, nous maintenant en état d'alerte. Est-ce Beatrice, celle à qui les deux héroïnes sous-louent l'appartement, qui est une prédatrice voyeuse ? est-ce la narratrice qui a tué son amie Ivy ? elle qui assassine les amies qu'elle admire, Ivy ou Hailey ? L'autrice allume plusieurs feux, l'amour, les fêtes et l'amitié étant autant d'ombres portées sur l'intrigue. le récit n'écrase pas les hypothèses de lecture, il les titille et s'en joue. Alors oui, j'ai trouvé les explications finales un peu tirés par les cheveux mais je suppose que c'est la loi du genre et la limite de l'exercice. Globalement, j'ai été assez admirative de la créativité et de la richesse de l'intrigue, comme de son élégance.

En effet, tout est subtil dans "Toxic Berlin", à commencer par les nombreuses mises en abyme qui viennent donner de la profondeur à l'intrigue : l'affaire Amanda Knox, le journal de Hailey se présentant comme la matrice du roman de Beatrice en train de se faire, le faux film dans l'une des soirées … Ces mises en abyme permettent de complexifier ce que le récit aurait pu avoir d'un peu classique. En fait, le suspense porte sur la littérature, sur les livres et les narrations (oeuvres à succés de Beatrice ou de sa mère, Janet, journal de Hailey, récit de Zoe en train de rétablir les faits tels qu'ils se sont vraiment déroulés). On a l'impression d'être sous drogue, quand la vérité se rapproche et s'éloigne, vacille, est reflétée par d'autres miroirs : en cela ces effets virtuoses servent admirablement le propos, à savoir l'influence d'une ville festive mais toxique, sorte de Babylone du vice, sur des jeunes filles étrangères en formation, qui cherchent à devenir elles-mêmes.

C'est un roman vraiment très bien construit, exprimé avec une vigueur provocante, sans concession, très personnel, et qui fait la part belle au lecteur. S'en dégage un vrai suspense, assez délectable mais qui n'est pas une obsession, et permet de faire le portrait sous tension du vrai personnage principal du roman, la ville de Berlin, fascinante et explosive.

Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices Elle 2024
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