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Critique de Nastasia-B


Un Ennemi Du Peuple est un drame social de l'auteur norvégien Henrik Ibsen, une nouvelle fois visionnaire, après sa très remarquée et remarquable Maison De Poupée. Ici, il n’est plus question de la position de la femme dans la cellule familiale mais d’un sujet d’une actualité encore plus brûlante de nos jours.

Henrik Ibsen nous parle de santé publique, de pollution et des fameuses décisions cornéliennes écologie vs. économie. Osera-t-on aborder la question de la santé publique s’il y a des millions en jeu ? S’il y a toute une économie et des emplois locaux sur la sellette ? Que dira-t-on de celui qui dénoncera le scandale sanitaire ? Est-ce un bienfaiteur ou… un ennemi du peuple ?

Tomas Stockmann est un médecin apprécié et respecté dans sa petite ville natale. C’est même lui qui est à l’origine de la création d’un établissement thermal auquel personne ne croyait lorsqu’il en a émis l’idée et qui pourtant, désormais, assure la prospérité de la bourgade, directement ou indirectement, par les retombées immobilières, notamment.

Le projet d’établissement thermal proposant des bains pour les curistes ne fut entériné que lorsque les décideurs locaux se furent appropriés le projet et virent leur intérêt propre. À la tête de l’établissement, on retrouve tout le gratin du panier de crabes politique de la ville parmi lesquels on compte le juge Peter Stockmann, le propre frère du docteur mais qui ne partage pas du tout les mêmes visions de l’intérêt général que lui.

À telle enseigne que Tomas Stockmann est relégué au simple rang de médecin de l’établissement et soumis à la tutelle décisionnaire de son frère. Le docteur est opposé aux économies qui ont été faites sur la longueur des canalisations pour le captage de l’eau thermale qui, selon lui, est fortement polluée par les rejets toxiques des tanneries situées en amont. Lui préconise un captage plus distant qui garantirait la salubrité de l’eau et des soins prodigués au sein de la station thermale. Mais ces travaux ont évidemment un coût…

Après une période de flottement (sans jeu de mots), l’établissement commence à dégager des bénéfices et les curistes arrivent de plus en plus nombreux mais le docteur a remarqué des cas de dysenterie anormaux et a donc pris l’initiative de faire analyser précisément l’eau des thermes. Lorsqu’il reçoit les résultats, ses soupçons sont largement confirmés et il escompte bien en informer la population par le biais du journal local dont les rédacteurs voient d’un bon œil le fait de mettre quelques coups de pieds aux fesses de la clique dirigeante et de la pousser adroitement vers la sortie mais…

… mais le reste, c’est à vous de le découvrir. D’après moi, encore une excellente pièce d’Ibsen où le personnage du docteur Stockmann n’est pas sans rappeler son propre personnage et les propres déconvenues de l'auteur vis-à-vis de la critique suite à ses prises de position courageuses dans ses précédentes pièces.

De plus, Henrik Ibsen émet une idée qui peut paraître surprenante sous sa plume, celle que l’opinion de la majorité n’est pas forcément la plus légitime car intéressée et émanation de l'individu " moyen " voire " très, très moyen ". On peut évidemment ne pas être d'accord avec cette vision mais cela a le mérite de nous faire réfléchir et de nous mettre en perspective, nous autres dans nos propres vies et dans ce que nous vivons, par rapport aux situations décrites dans cette pièce.

Il aborde aussi la pusillanimité des masses et les retournements de veste comme il arrive à chaque coup dur ou à chaque fois qu'il y a quelque chose à gagner ou à perdre. En somme, un drame social en cinq actes de très bonne facture, peut-être un peu plus cérébral que scénique, d’où mes quatre étoiles et non cinq, mais c’est là une vision éminemment subjective, qui plus est, émanant d’une ennemie du peuple, c’est-à-dire, bien peu de chose.
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