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Critique de jamiK


jamiK
26 décembre 2018
Ce Tintin, durant mon enfance, me paraissait assez compliqué avec cette histoire de guerre, de mobilisation générale. le démarrage est très burlesque, avec les Dupont confrontés à un problème de moteur qui explose, j'ai compris plus tard que cela faisait référence à Charles Trenet — en 1970, on ne l'écoutait déjà plus beaucoup, Charles Trenet — mais même sans la musique, le gag fonctionne. Mais voilà, quelle est cette guerre imminente dont il est question. La première écriture de ce récit date de 1939, quand on sait cela, le récit prend une autre dimension et est bien moins anodin qu'il n'y paraît. Et puis surtout, que viennent faire là les soldats britanniques en kilt et qu'est-ce que l'Irgoun ? L'Irgoun ? Je sens qu'il y en a qui sont en train de se dire, “Mais qu'est-ce qu'il raconte, il n'y a pas d'Irgoun dans cette histoire !” Je cite le texte :
“- Une patrouille a capturé l'auto et ses occupants : trois juifs de l'Irgoun
- Des juifs... et le jeune homme ?... Quoi ?... Enlevé par les Arabes ?... Envoyez moi ces juifs, Edwards, je veux les interroger moi-même…”
Ce n'est qu'en 1982, chez un ami, grand collectionneur de bande dessinées, que j'ai lu pour la première fois la version actuelle et que j'ai réalisé, que tout le monde ne connaissait pas la même histoire : les pages 15 à 17 n'ont absolument rien à voir, le scénario est radicalement différent, la version que je possède an'est plus éditée (pour être remplacée par une version soit-disant “modernisée”, par euphémisme) pour une diffusion au Royaume Uni. En effet, le scénario original est bien critique vis à vis du colonialisme britannique dans la région, il est question des tensions en Palestine, autant dire que c'est plutôt sulfureux. Mais c'est aussi ce qui en fait l'intérêt. On peut rajouter aussi que Ben Kalish Ezab et Abdallah ont un curieux air de famille avec la famille Saoud (l'installation de la tente dans le salon de Moulinsart dans Coke en Stock renforce d'ailleurs cette hypothèse) ainsi qu'avec Fayçal II d'Irak, qui a servi de Modèle pour Abdallah. Pour quelles raisons Tintin doit sauver cet émir capricieux et cruel pour lequel on a pas la moindre empathie, sinon pour le pétrole des pays occidentaux… Aussi, à travers le personnage de Müller, c'est évidemment du côté de l'Allemagne de 1939 qu'il faut se tourner, faisant entrer la stratégie de guerre par l'économie.
Bref, cette version d'avant 1971 mérite une lecture approfondie, j'ai récemment lu la première partie de “Nos meilleurs ennemis” de Jean-Pierre Filiu et David B. qui apporte encore quelques éclaircissements sur cette histoire. Évidemment, à 7 ans, je ne pouvais pas y comprendre grand chose, ce qui comptait à l'époque, c'était les gags avec les Dupondt dans leur dépanneuse, puis dans le désert. Ce que j'admire chez Hergé, c'est sa capacité à proposer plusieurs niveaux de lectures et c'est sans doute dans cet album qu'il le pousse au paroxysme, du moins dans la version d'avant 1971. En 2005 était sorti l'album “Tintin Dossier L'île Noire”. J'espère qu'un jour l'éditeur aura l'intelligence de sortir un “Tintin Dossier Au pays de l'or noir” parce que là, il y a de la matière.
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