AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pancrace


Encore l'amour, toujours l'amour… Avec David tu t'enfuiras exquise Vigdis, jeune femme de 1090.
« Passe ton chemin, choisis un autre homme, échappe à ce sort, fuis ce qui t'attire. »
Oublie ce juif, petite catholique, reste en Normandie où ta famille veille sur toi.
Impossible idylle. Où que tu ailles, ils te trouveront.

Quant à nous, le narrateur et moi suivrons leurs traces de Rouen à Narbonne en apnée dans les courants troubles du haut moyen-âge et dans les profondeurs des sentiments partageant leurs émois rayonnants, leurs combats titanesques et leurs déboires ahurissants.
Étrange impression par instant d'être ramené brutalement à la surface contemporaine par une courte phrase acérée glissée dans la mosaïque des chapitres érudits, crevant une bulle de satisfaction de mille ans d'âge.

La description des paysages est fluide et figée à la fois, un peu comme les champs ondulants de van Gogh avec l'impression que les perles de peinture, comme les mots tourbillonnent immobiles.
Cette sobriété littéraire élégante est également empreinte de finesse et de charme pareillement au « Festin de Babette » où l'on se régale en le dissimulant.
La sensibilité et le sérieux l'emportent sur le grandiloquent, de même que la romance aussi scrupuleuse soit-elle laisse place parfois aux investigations de Stefan Hertmans.

Narbonne. « Ici, la fille chrétienne d'un viking devient la belle-fille séfarade de Todros grand rabbin de la France méridionale. »
Le coeur converti, Vigdis deviendra Hamoutal. le corps arrondi, Hamoutal est enceinte.
La menace grossit, nouvelle fuite du couple vers Monieux, Vaucluse.

Le rythme est soutenu, le narrateur et moi sommes rivés à l'époque d'Hamoutal heureux d'imaginer toucher dans des cryptes séculaires ce que ses doigts auraient pu effleurer. L'immersion est totale.

La vie s'est organisée, plus paisible. Trois enfants entourent le couple maintenant.
Fracture. 1096, Urbain II lance la première croisade. Libérer Jérusalem pour les croisés, s'en prendre aux juifs pour le peuple, cible plus proche et plus aisée.
« La haine au sein de la société se contracte comme un muscle. »
Horreur totale, le pogrom de Monieux gorgé de violence, saturé de rancoeur, arrache les vies ou pour le mieux les bouleverse. « On continue de respirer donc, on ne meurt pas. »

Cette fois, l'intervention du narrateur ressurgissant du présent agit comme un baume calmant partiellement l'angoisse éprouvée lors de ce massacre et de ses tristes répercussions…

Ces trois petits points recèlent la suite d'un récit intime et violent, abrupt et très touchant.
Ce roman et ses personnages vous conduiront loin de chez vous, très loin de votre époque moelleuse. Quelle vie ! « Elle irrite le coeur à éponger les pleurs jusqu'à l'infini. »

Récompense, l'auteur a su lier à sa trame romanesque dominante une myriade d'informations historiques captivantes toutes périodes confondues. Un vrai régal.
Merveilleuse machine à remonter le temps où le curseur est sur le coeur.

Merci infiniment à Babelio et aux éditions Gallimard de m'avoir permis de découvrir ce roman. Merci également de leur confiance.
Commenter  J’apprécie          6612



Ont apprécié cette critique (59)voir plus




{* *}