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Critique de Cigale17


Stefan Hertmans présente ici un curieux travail : il entreprend une recherche sur un personnage qui a vécu au XIIe siècle et nous raconte ses investigations sous la forme d'un roman. Ainsi vont se mêler deux histoires interdépendantes : « recherches approfondies » et « empathie créative » comme l'auteur nous en prévient en exergue, le tout raconté essentiellement au présent de manière non linéaire.

Tout commence à Monieux, petit village médiéval du Vaucluse, où l'auteur belge néerlandophone réside régulièrement depuis 22 ans. Quand on tape « Monieux » dans un moteur de recherche, la suggestion « Monieux pogrom » apparaît tout de suite, car l'histoire est connue depuis longtemps. Quand Stefan Hertmans s'installe dans le village, il entend parler du « trésor de Monieux » et d'un cimetière juif dont on ne connaît pas l'emplacement. Un de ses voisins lui donne l'article, datant de 1969, d'un universitaire de Chicago, Norman Gold, article dans lequel il explique ses recherches sur un manuscrit retrouvé au Caire (reproduit et traduit en français aux pages 203 à 207 du roman). Il s'agit en fait d'une lettre de recommandation, demandant aux diverses communautés juives d'accueillir avec bienveillance une « prosélyte » auparavant chrétienne, veuve de David Todros, fils de Richard Todros (considéré comme le roi juif de Narbonne). Elle est recherchée par sa famille normande et, fuyant Rouen puis Narbonne, le couple est installé à Monieux depuis 6 ans. Mais à ce jour son mari a été tué, ses enfants faits prisonniers, tous leurs biens saccagés. La lettre est signée du grand rabbin de Monieux, Joshua b. Obadia. À partir de ces maigres renseignements, Stefan Hertmans va s'appliquer à inventer une biographie à Vigdis Adélaïs, devenue Sarah Hamoutal par amour pour David Todros.

J'ai été très intéressée par l'aspect historique du roman sur une époque que je connais mal. Il se déroule pendant la Reconquista et la première croisade. Les communautés juives prospèrent alors, mais la ferveur religieuse, l'ignorance et une forme de jalousie des chrétiens vont pousser ces derniers à d'horribles et nombreuses exactions, comme le pogrom qui a lieu à Monieux en 1096. Les conditions de découverte du fameux manuscrit sont passionnantes et je comprends l'enthousiasme de l'auteur et sa curiosité. Si je n'ai eu aucun mal à le suivre dans ce domaine, je serai beaucoup plus circonspecte sur les aventures rocambolesques (tant pis pour l'anachronisme !) qu'il attribue à Hamoutal. J'ai très vite cessé d'y croire, ce qui a finalement détruit l'empathie que j'avais pour le personnage au début. Il n'en reste pas moins que l'auteur décrit magnifiquement et passionnément les paysages du Lubéron, fasciné par les endroits où le passage des siècles n'a pas laissé de traces apparentes. Le choix de la narration au présent pour les deux époques fait que les récits se télescopent parfois, perdant le lecteur et l'obligeant à revenir quelques phrases en arrière pour vérifier s'il se trouve au XIIe siècle ou au XXIe… Malgré ces réserves, je recommande la lecture de ce beau roman : ce qui m'a déplu ravira d'autres lecteurs et c'est tant mieux !

Lu dans le cadre du prix des Lecteurs de Cognac 2019
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