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Critique de LoupAlunettes



« Habitants de Sinistreville !!! Habitants de Sinistreville, écoutez-moi ! »
L'inspecteur tentait en vain de réunir l'attention des habitants, en émois devant l'accumulation des méfaits terrible du mystérieux « Saigneur de Sinistreville ».
« Plus fort ! » tonna une voix venant du fond de la masse.
L'inspecteur rougit quelque peu lorsqu'il découvrit le visage renfrogné de sa propre épouse.
Sinistreville était un lieu habitué depuis la nuit des temps à son lot de légendes lugubres, à ses rues protégées par des gargouilles de pierre en mauvais états, à ses récits historiques de guillotine et de têtes de généraux qui tombent comme des pommes trop mûres.
Voici les histoires à dormir debout qui berçaient l'enfance des Sinistrois.
Il régnait une malfaisance institutionnelle, toute naturelle, comme si la ville entière fut trempée à ses origines dans un bouillon ensorcelée. Hubert aussi y avait été habitué, du haut de ses onze ans, nourri de la bienveillance et l'amour de ses parents, Monsieur et Madame Brinkhoff. Cela faisait juste parti du paysage jusqu'à ce qu'il fasse l'expérience de la véritable nature des têtes pensantes de Sinistreville.
Oui,tout était sinistre, dans le vol des corbeaux trop bas, dans les mauvaises humeurs régulières tricotées par la conscience commune, dans les sourires à l'envers, pourrait-on penser que le spectre de la tristesse avait élu domicile ici et filait son chemin joyeusement sur la rivière Sinistre qui fendait la ville en deux, car c'était aussi son nom.
Non, tout n'était pas sinistre à Sinistreville, ni la gouvernante Ms Frauleïn aux apparences strictes et aux multiples maris, ni Monsieur Lomm le professeur qui cultivait l'apparence de la méchanceté demandée en laissant échapper des cris d'élèves suppliant du son d'un gramophone uniquement, ni Monsieur Urinum le volailler qui lui apprenait le métier chaque après-midi et surtout pas Isabella Myop la fille des boulangers.
Un jour, alors que Hubert réussit l'examen de l'école avec la note maximale, l'ensemble des professeurs, têtes pensantes de la ville, se mirent d'accord sur le fait qu'ils ne fallait pas lui remettre le beau violon de Constantin, prix de l'excellence.
Doué mais pas trop, pour garder l'exemple et conserver des positions de forces nécéssaires, c'est ainsi.
Tandis que Monsieur Lomm franchit la grille de cette école prestigieuse de génies pour ne plus y revenir, un flot de malheurs s'abattit sur la famille D Hubert pour punir ce petit garçon d'avoir critiquer leur décision.
Logé dans le petit logement de la fidèle gouvernante, la famille Brinkhoff remonte la pente, Harold et Isabella se serre les coudes faces à ces professeurs qui les brutalisent. Entre quelques douceurs aux odeurs de caramel et de pommes chaudes, le jeune Hubert met son dit génie au service de sa justice et concocte soigneusement ses plans pour éliminer la bande de mauvais, les uns après les autres.
« Le saigneur de Sinistreville frappe de nouveau !!! » crie la Dépêche.
Ça en jette, pense doucement le petit Hubert en se parant d'un léger sourire et avant d'engloutir un bout de délicieux Strudel.

: « Les affreusement sombres histoires de Sinistreville » est une fiction à l'humour noir et mordant et le personnage de Hubert est, pour notre plaisir, très très méchant.
L'univers gothique présenté par l'auteur Christopher William Hall rappellera sans doute celui tellement apprécié et lugubrement drôle de Tim Burton. Nous sommes dans une ville qui a pris ses racines dans la mauvaise humeur de sa légende et qui subit aussi le poids de personnages cultivés très puissants qui peuvent d'un claquement de doigt faire et défaire. Delà, le père du pauvre Hubert , banquier, se voit congédier par ses patrons sans motifs sérieux, parce que un enfant de onze ans s'est opposé à un vieux directeur sec et méchant, à un petit cercle qui ne souffre pas qu'on lui dise non.
Nous naviguons entre méchanceté caricaturale pour divertir et la cruauté vraie bien ancrée, l'un et l'autre sont bien dosés pour conserver son second degré, c'est l'opposition entre Hubert le mystérieux saigneur de Sinistreville et le corps enseignant, l'intelligencia de la ville.
Avec l'inspecteur qui ne sait où donner de la tête, l'aventure à parfois des allures de "Fantomas" de Pierre Souvestre et Marcel Allain, adapté au cinéma dans les années 60. Ce n'est pas la voix caverneuse de Fantomas qui pourrait résonner dans le lointain mais un duo de petits rires d'enfants, qui savourent leurs méfaits devant de bons gâteaux aux pommes.

A la lecture, les petites gens apparaissent par contraste doux, bons, les artisans résistent au poids des usines et celui de l'argent. Dans le plus grand secret, à l'insu de ses parents, Hubert continue son instruction avec sa mère le matin et l'après-midi il gagne quelques sous pour le foyer grâce au volailler, Monsieur Urinum, plus que ravi de trouver un petit apprenti.
L' amour se maintient autour D Hubert pour le préserver, la gouvernante chez elle, continue de servir ses maîtres dans la difficulté, la mère reprend un poste dans l'usine de colle dans un déplaisir qu'elle tait chaque soir pour le bien commun. Chacun s'apporte le nécessaire de réconfort pour aller de l'avant mais Hubert de son côté n'est pas décidé à en rester là. Les touffes de cheveux conservées de sa bien-aimée Isabella, arrachées par la professeure de Chimie pour le plaisir de la secouer un peu au tableau, le conforte dans sa décision d'user de son génie de « mauvais génie » pour une véritable justice.
Qu'en pense le Docteur Zilbergeld, la terrible professeure de Chimie, dont le petite corps arrondi par de douces gourmandises accumulées tire progressivement sur la corde usée qui la retient par les pieds ?
Il ne faudrait pas un petit gâteau de plus.
Du haut du cellier de l'ancienne usine de Strudel Oppenheimer, par une petite fenêtre ouverte, la petite main D Hubert porte quelques délices à la bouche de la gourmande.
« Une cuillerée pour le banquier,
Une pour l'employé,
Et une pour le mendiant
Qui dort en ronflant. »
Joliment sinistre, pour ados qui aiment mourir de rire surtout !
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