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Critique de Stockard


Robert Jones est jeune, il a un bon boulot, une petite amie dont il est fou et s'est enfin payé la voiture de ses rêves, bref tout irait pour le mieux si Robert Jones n'avait pas un gros problème. Un seul mais malheureusement, par l'entremise de celui-ci, c'est tous les problèmes du monde qui pèsent lourdement sur ses épaules. Son souci a Bob c'est qu'il est noir. Noir dans une Amérique où la ségrégation ne constituait pas un un problème moral et encore moins un délit, au contraire, aux yeux d'une majorité de blancs.
Malgré cela, Bob Jones peut être heureux d'une chose : il vit en Californie et pas sous la ligne Mason-Dixon mais ça, même s'il en a conscience, ça ne change pas grand chose pour lui, toutes ses rencontres avec les blancs se finissent immanquablement par un sentiment de haine exacerbée et des envies de meurtres qu'il n'est jamais loin de réaliser. Ça l'obsède d'ailleurs tellement que toute sa vie finit par ne plus tourner qu'autour de ça, être un homme noir qui veut garder sa dignité face à des blancs qui ne pensent qu'à l'asservir.
Arrive un moment où on pense fatalement que s'il a raison sur le fond, la paranoïa dont il semble faire preuve à chaque instant aggrave son sentiment d'être traqué, méjugé, rejeté et humilié. Mais la perte de son boulot, les passages à tabac et les "notre seule table libre est malheureusement celle située au fond de la salle entre la cuisine et les WC, voilà, fallait pas faire la réservation par téléphone, si on avait su tout de suite que vous étiez noir, on vous aurait refoulé direct" des restaurants un poil chics dans lesquels il tente d'impressionner celle dont il aimerait faire sa femme nous montre que finalement, tout grande gueule et plein de morgue qu'il est, Bob Jones n'est pas loin du compte quand il nous assure que l'Amérique entière le déteste pour une bête histoire de pigmentation cutanée. Dommage qu'en sachant cela, il n'ait pas su en tirer la leçon et ainsi éviter de se frotter à une blanche aguicheuse qui n'aura aucun mal à faire de sa vie un enfer, pire encore que ce qu'il croyait déjà vivre au quotidien.

Chester Himes qui rejetait l'étiquette d'écrivain noir nous livre pourtant avec S'il braille, lâche-le..., un récit pile dans la grande lignée des prestigieux "écrivains noirs" : Toni Cade Bambara, Iceberg Slim, Ralph Ellison, Richard Wright et autres magnifiques Gil Scott-Heron, et, derrière son personnage de sympathique effronté, c'est tout le racisme des années 40-50 qu'il dépeint (cette précision chronologique uniquement parce que Chester Himes publie ce livre en 1945, mais il aurait pu l'écrire aujourd'hui qu'il n'aurait sûrement pas eu grand chose à retoucher) avec une certaine virtuosité et beaucoup de désespoir, ne se targuant pas de trouver, ni même de proposer une solution à cette haïssable situation à laquelle il semble n'y voir qu'une impasse, il conclut au contraire sur une note encore un peu plus décourageante un livre déjà bien sombre mais si cruellement réel.
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