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Critique de MMChretien


Dans Traces, Florence Hinckel propose un tout petit roman à la portée de tous, qui soulève les enjeux de l'identité numérique et des innombrables traces laissées par les internautes lors de leurs navigations. Elle aborde une problématique actuelle qui interpellera les jeunes dans leurs pratiques, tout en imaginant les implications possibles de ces dernières dans un avenir très proche.

Thomas est élève de 4e et vit à Marseille avec sa mère. Passionné de réseaux et de jeux vidéos, il occupe son temps libre à la création avec son ami Steven d'une fanfiction, récit qui prolonge l'univers de leur jeu vidéo préféré. Alors qu'il se documente sur le Net sur les armes courtes à rafales pour l'équipement de ses personnages fictifs, une agitation inhabituelle dans la cage d'escalier attire son attention. La police vient l'arrêter pour l'empêcher de commettre un meurtre, sur la base des prédictions du logiciel Traces, mis en place par le gouvernement.

Le récit principal à la première personne porté par le jeune Thomas, qui décrit sa fuite à travers la ville pour échapper à la police, alterne avec des chapitres au narrateur extérieur qui présentent l'enquête de police et la traque du garçon, menée par le commissaire Olympe Sax. le rythme est rapide, soutenu par une succession de verbes d'actions au présent, les événements s'enchaînent vite et la course-poursuite capte le lecteur du début à la fin. Des extraits d'articles de journaux français viennent également s'intercaler entre les chapitres et éclairent, chiffres à l'appui, le contexte et l'actualité qui ont conduit à l'intrigue principale : augmentation de la criminalité, détection de la délinquance, mise en place par le gouvernement d'un logiciel prédictif exploitant les données des individus...

Si l'intrigue fait référence à un logiciel et des pratiques qui n'existent heureusement pas encore en France – mais le pourraient bien de façon crédible dans quelques années – le roman dans son ensemble s'ancre véritablement dans notre époque, et même dans l'année 2016, en faisant allusion à la loi sur le renseignement. L'auteur y déploie un vocabulaire du web et du numérique tout à fait actuel qui parlera aux lecteurs, du GPS à Snapchat en passant par les algorithmes, les likes, les tablettes ou l'historique de navigation, et y décrit des usages qui sont les nôtres et ceux des adolescents.

Ce qui a de quoi inquiéter, lorsqu'on découvre l'utilisation qui est faite dans le roman des innombrables traces que nous dispersons quotidiennement, et le nombre toujours plus grand d'aspects de nos vies qui sont consignés, connectés et tracés : recherches documentaires, achats, déplacements, goûts, fréquentations, conversations, horaires, carrières... L'auteur met en évidence les dérives de la surveillance des individus et les conséquences vertigineuses que pourraient avoir l'utilisation de nos données, recoupées entre elles, à des fins sécuritaires par les gouvernements. Mais elle dénonce également ces pratiques autoritaires en montrant leur absurdité, la déhumanisation et la déresponsabilisation des personnes qu'elles entrainent, qui sont réduites à des données chiffrées, des dossiers, des algorithmes agencés, incapables d'être maîtres de leurs actes. Ce court roman est donc intéressant à plus d'un titre pour les enfants et pourra faire l'objet de discussions et de formations autour de ces thématiques, pour apprendre aux jeunes internautes, à défaut de pouvoir vraiment maîtriser tout cela désormais tellement ça nous dépasse, à être conscient de leur identité et de leur activité numériques, des traces qu'elles engendrent, et à les canaliser.
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