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Critique de Rickola


My Broken Mariko fait partie de ces titres qui m'ont attiré d'emblée, pour lesquels j'ai de grosses attentes, et, je dois l'avouer, avec lesquels je pars conquis d'avance. Mais encore faut-il confirmer cela une fois l'ouvrage en mains. Je dois admettre que l'unanimité générale autour du titre ne faisait que me convaincre encore plus. Et par chance, j'ai pu le recevoir de la part de Ki-oon, que je remercie au passage, ce qui me permet de vous proposer cet article alors que le titre vient juste de sortir.

Pour rappel et avant de vous expliquer pourquoi j'ai trouvé ce titre magnifique, My Broken Mariko est un one shot que l'on doit à Waka Hirako. Il s'agit du premier titre de la mangaka à arriver en France, dans une somptueuse édition en grand format avec jaquette gaufrée du plus bel effet, qui plus est augmenté d'une interview de la mangaka qui revient sur ses influences et sa façon d'aborder cette histoire… Avec en dernier bonus, la première histoire courte publiée par l'autrice, également d'excellente qualité, et dont la thématique propose quelques similitudes avec My Broken Mariko. En bref, une très belle édition que ce titre formidable méritait, pour seulement 9€95. Ceci étant dit, il est temps de passer au manga proprement dit !

Quand Tomoyo apprend aux informations la mort de son amie Mariko, elle n'en croit pas ses oreilles. Elles s'étaient pourtant vues la semaine précédente, sans que rien ne laisse présager un tel drame. Mariko, à la jeunesse brisée, qui lui vouait une admiration sans bornes et qui s'est vraisemblablement suicidée…
Tomoyo ne contient pas sa rage : elle doit trouver un moyen de rendre un dernier hommage digne de ce nom à sa seule confidente. Pas question de laisser le père violent de la jeune fille prendre les choses en main ! Bouleversée et confuse, elle se précipite chez lui, vole l'urne funéraire et, malgré les coups, hurle les mots de colère que Mariko a gardés en elle pendant toutes ces années ! Les précieuses cendres sous le bras, Tomoyo se lance dans une course effrénée, en quête du lieu de dispersion idéal… mais aussi du salut, pour son amie comme pour elle-même.

Le résumé resitue bien les événements. Tomoyo, le personnage principal de l'histoire, apprend que sa meilleure amie Mariko s'est suicidée. Des sentiments forts et contradictoires se mêlent, de l'incompréhension à la tristesse, en passant par la colère. Une seule certitude pour elle, le père de Mariko est en grande partie responsable de ce suicide, et ne mérite en aucun cas de conserver les cendres de sa fille. Tomoyo va donc s'incruster chez lui avec un couteau pour récupérer les cendres de son amie et les disperser. L'occasion d'un petit road trip qui reconstituera le fil de cette relation forte, proposant une réflexion sur le deuil, sur le suicide, mais aussi et surtout sur la maltraitance infantile.

Et c'est une des grandes forces du manga selon moi. Non seulement les thématiques sont très fortes, mais elles sont en plus multiples et s'entremêlent de façon logique, se nourrissent et se renforcent mutuellement. Et autant le dire clairement, avec un sujet pareil, le manga est dès le départ très chargé émotionnellement. En faisant rapidement face au père, dont on apprend qu'en plus d'être violent, avait abusé sexuellement de Mariko, on est directement mis face à l'injustice absolue de cette situation et on comprends sans qu'on ait besoin de nous le dire que la jeune femme a mis fin à ses jours à cause de la vie que son père lui a imposé.

D'emblée, on est en colère, tout comme Tomoyo, mais aussi extrèmement triste. En fait, on partage vraiment tout le cheminement émotionnelle de la jeune femme, avec la gorge nouée dès le début de l'histoire, jusqu'à ce moment où la mangaka met le dernier coup de massue pour faire vraiment monter les larmes. Et sur ce point, elles arriveront peut-être à un moment différent en fonction des personnes, selon nos vécus propres. Ce qui est certain, c'est que même sans avoir de rapport particulier à la mort, au suicide ou au deuil, Waka Hirako arrive parfaitement à nous faire comprendre ce qui se joue dans cette histoire, aussi bien concernant le geste de Mariko et la façon dont Tomoyo vit ça.

Une des excellentes idées étant de suivre une narration qui avance de façon constante, à l'image de Tomoyo qui ne s'arrête jamais de bouger. Mais en proposant également des sortes de flashs concernant la jeunesse des deux amies, mettant en avant des bribes du passé commun aux deux, permettant de mieux comprendre comment on en est arrivé là. Et sur ce point, cela permet de travailler avec pertinence, talent et énormément d'émotions le personnage de Mariko. C'est d'ailleurs cet aspect qui m'a ému aux larmes, expliquant de façon très simple mais très intelligente pourquoi une personne qui a vécu ce que Mariko a vécu s'autodétruise, se dévalorise constamment, et finalement pense qu'elle mérite le mal qui lui arrive.

Je pense aussi que l'impact émotionnel de ceci vient du fait que je connaisse des personnes qui ont malheureusement vécu des choses similaires, et j'ai le sentiment que ce que dit la mangaka ici correspond vraiment à ce que disent les victimes de tels sévices. Ainsi, arriver à retranscrire avec une telle justesse cet aspect contribue à l'impact émotionnel du récit. Mais il y a d'autres aspects profondément émouvants, qui peuvent plus ou moins toucher. Sur ce point, je vous invite d'ailleurs à lire le magnifique article de Julie sur son blog Songe d'une Nuit d'été, qui a un rapport différent à ce que raconte le titre, mais qui a été également bouleversée, le signe pour moi d'une vraie authenticité dans le traitement des différents éléments du récit.

Enfin, impossible de ne pas évoquer l'esthétique du titre qui influe grandement sur son ambiance générale. le dessin est ultra expressif et permet vraiment d'épouser l'état émotionnel des personnages. On alterne entre des illustrations un peu brutes, avec des déformations parfois prononcées pour accentuer les expressions des visages ou les mouvements, et des planches bien plus réalistes qui ont de ce fait un impact bien plus fort du fait des contrastes dans le degré de réalisme. de plus, le découpage et le style visuel épousent bien le côté mouvement perpétuel de Tomoyo. Alors qu'en début d'ouvrage, je trouvais parfois le style un peu brouillon, j'ai vite compris que la mangaka savait ce qu'elle faisait et qu'elle adaptait son dessin aux situations et états émotionnels afin de renforcer chaque séquence. Et sur ce point, pour un travail de jeune mangaka, c'est vraiment d'un niveau de maîtrise impressionnant, qui rend l'impact émotionnel de cet histoire encore plus important.

Pour finir, un petit mot sur l'histoire en supplément, qui parle aussi de rapport à la famille, mais dans un cadre bien différent qui évoque presque le western. La mangaka arrive aussi en peu de pages à construire des personnages qui ont vraiment une âme, et à proposer un message subtil et intéressant. de quoi être encore plus convaincu du talent de cette dernière, et espérer que Ki-oon la suive dans ses prochaines aventures afin qu'on y ait également droit.

Vous l'aurez donc compris, My Broken Mariko est un énorme coup de coeur pour moi. C'est un idéal de one shot, qui en peu de temps arrive à proposer une histoire puissante, profonde et marquante, vers laquelle on a envie de revenir le plus souvent possible. Et Ki-oon ne s'y est pas trompé, proposant une édition de très belle qualité qui met parfaitement en valeur la beauté de ce titre. Évidemment, c'est un indispensable !
Lien : https://apprentiotaku.wordpr..
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