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Critique de florigny


Les essais de Marie-France Hirigoyen devraient être déclarés d'utilité publique, tant cette psychiatre et psychanalyste - à l'origine de la première loi sur le harcèlement au travail en 2002 – possède le talent d'exprimer simplement des idées complexes, et de synthétiser les mutations profondes de la société pour les rendre compréhensibles au plus grand nombre. Ses travaux concernent tout le monde, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, de toutes origines sociales et chaque lecteur peut reconnaître des bribes ou des pans entiers de sa propre expérience dans ses mots exempts de tout jugement, et y puiser force, énergie, volonté, optimisme, car l'auteure sait mettre au jour ce que beaucoup ressentent intuitivement sans savoir le formuler. Dans Les nouvelles solitudes, elle explore les conséquences de l'émancipation des femmes, d'abord infimement grignotée au fil des générations puis conquise de haute lutte sur l'archaïque patriarcat par les féministes à l'aube des années 70, en s'attardant spécifiquement sur les solitudes induites par des modes de vie inédits qu'elle distingue de l'isolement.


Tout est passionnant dans cet essai limpide que l'on ne peut lâcher une fois entamé, qu'il soit question pour les femmes de la revendication d'autonomie, du piège de la disponibilité, du désir d'enfant, et pour les hommes de leur désarroi, de leur insécurité, de la difficulté à être père, et enfin pour les couples, des nouveaux chemins testés comme les couples non cohabitants ou à autonomie limitée : expérimentations parfois ratées et pourvoyeuses de solitudes. Marie-France Hirigoyen évoque d'autres domaines qui, alors qu'ils sont censés créer de la communication, des interactions sociales, ne sont que des fabriques à solitude et isolement : le travail, monde de performances propice à l'élimination des maillons faibles ; le virtuel et ses sites de rencontres aux prétendants jetables et interchangeables, et ses mondes ludiques qui entretiennent l'illusion de ne pas être seul alors qu'ils ne sont que des chimères créatrices d'addictions destinées à masquer les frustrations  ; la consommation, l'injonction du bonheur, les fausses recettes de « l'estime de soi »....


Face à de tels constats, l'auteure développe, études scientifiques et brefs mais saisissants témoignages de patients à l'appui, une théorie émergente, qui m'a personnellement beaucoup séduite : la solitude volontaire, ou nouvelle solitude, choisie par conviction personnelle ou après quelques désillusions sentimentales, une séparation, un divorce ou un deuil, qui permet d'accéder à l'intériorité, éviter la souffrance de l'échec, être enfin soi-même et surtout, élément essentiel : être disponible aux autres... et non pas replié sur soi-même et aigri. Dans ce choix de vie qui rencontre un succès grandissant, l'asexualité peut être revendiquée et le désengagement d'un monde angoissant vécu comme un soulagement.


Une fois encore, Marie-France Hirigoyen offre au lecteur une facette de son travail original et progressiste, combat les préjugés, tord le cou aux stéréotypes, au premier rang desquels se trouve l'image négative véhiculée par les « solitaires » vus comme des ratés, restés seuls parce que personne n'a voulu d'eux. La solitude est souvent illustrée par des vieux croupissant dans des ehpad ou des vieilles filles arriérées coiffant Sainte-Catherine. Pour Marie-France Hirigoyen les solitaires volontaires tracent la voie d'un nouveau mode de vie et sont des précurseurs.
Je suis d'accord.
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