AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Syl


L'histoire du Royaume des Six-Duchés devrait être écrite. Mais le vieil homme surplombant son pupitre, a bien du mal à aligner les mots. L'encre s'étale et tache le précieux papier, l'hypnotisant et le renvoyant dans ses souvenirs.

La famille régnante est les Loinvoyant et leurs ancêtres étaient des Outrîliens venus de la mer. le premier roi était Preneur ; "c'est avec ce patronyme qu'est née la tradition d'octroyer aux filles et aux fils de sa lignée des noms qui devaient modeler leur vie et leur être." L'histoire de cette mémoire se passe au temps du roi Subtil dont la forteresse se nomme Castlecerf. En premières noces, le roi Subtil a eu deux garçons, Chevalerie et Vérité. Après le décès de sa première épouse, il a pris en deuxième noce, Désir, et a eu un troisième fils, Royal.


Les premières images de la mémoire sont celles d'un enfant de six ans. Abandonné par son grand-père aux portes d'un poste de garde érigé dans une petite ville, il se souvient de son effroi...
"- Ca fait six ans que je le nourris à ma table et aucune nouvelle de son père, jamais une pièce d'argent, jamais une visite, alors que d'après ma fille il sait parfaitement qu'il lui a fait un bâtard. Alors, terminé de le nourrir et de me briser l'échine à la charrue pour lui mettre des vêtements sur le dos !... J'ai assez à faire avec la femme qui prend de l'âge et la mère de celui-ci à nourrir !... Alors prenez-le et refilez-le à son père.
Le garde baissa les yeux sur moi...
- de qui il est ?
- de Chevalerie, répondit le vieil homme... le prince Chevalerie. Celui qu'est roi-servant."
Sur les ordres du prince Vérité, qui voit une forte ressemblance avec son frère, l'enfant est confié à Burrich, un homme-lige du prince Chevalerie en charge des possessions animales. Lorsqu'on lui demande son nom, l'enfant répond d'une voix éteinte "petit". Burrich l'appellera Fitz (fils illégitime d'un prince, en anglais).

Dans la journée, Fitz suit le Maître d'écurie dans ses tâches et la nuit, il se blottit sur une paillasse, lové contre un chiot qu'il appelle Fouinot. Avec lui, il communique par le Don et ce rapprochement le réconforte. Il fut un temps où les personnes qui avait le Vif, la faculté de correspondre avec les animaux, étaient chassées et brûlées. On disait que l'homme attiré par sa part animale, se transformait et prenait goût au sang. Cette entité, Fitz devra la taire, la cacher et, sur les conseils un peu brutaux de Burrich, l'oublier.
Un jour, on lui apprend que le roi Subtil, son grand-père, souhaiterait qu'il vienne s'installer à Castelcerf. La décision n'enthousiasme pas certains car la venue du bâtard, seul descendant du prince héritier au trône, pourrait occasionner des troubles de succession. Ce qui est sûr, c'est qu'elle interfère dans les projets inavouables de personnes trop ambitieuses.
C'est alors que le prince Chevalerie, par amour pour sa femme et peut-être aussi pour protéger la vie de son fils qu'il n'a jamais vu, renonce à la couronne et part s'exiler avec la princesse Patience, sur d'autres terres.
A Castelcerf, toujours logé avec Burrich à l'écurie, Fitz est livré à lui-même et rencontre d'autres enfants, Dirk, Kerry, Pique-Filet et Molly appelée Brise-Pif. Avec sa petite bande, suivi de Fouinot, pour la première fois, il se sent intégré et plus solitaire. Les enfants commettent des bêtises avec la joie et l'insouciance de leur âge, jusqu'au jour où Burrich le surprend dans un chapardage ; la punition engendrera des séquelles... "C'est à cette époque que la graine de la solitude absolue fut plantée en moi, et elle enfonça de profondes racines dans mon être."

Un matin, Fitz, âgé de dix ans, est surpris dans les cuisines par le roi et le prince Royal. le père fait remarqué au fils qu'il serait très utile d'éduquer ce jeune bâtard et que sa loyauté serait un bienfait pour le royaume.
"- Viens ici.
Je m'avançai avec circonspection. Une fois que je fus devant lui, il tomba sur un genou pour se mettre à ma hauteur... A l'époque, je ne me rendis pas compte de l'ironie de la situation : le roi à genoux devant son bâtard de petit-fils !... Il tira une épingle des replis de soie de son col et, d'un geste auguste, la piqua dans l'humble laine de ma chemise.
- A présent, tu m'appartiens, dit-il, rendant ainsi sa prétention sur ma personne plus importante que tous les liens du sang qui nous unissaient. Dorénavant, tu ne seras plus obligé de manger les restes de personne. Je m'occuperai de toi, et je m'en occuperai bien. Si un homme ou une femme cherche à te retourner contre moi en t'offrant plus que je ne te donne, viens me voir, expose-moi l'offre et je la surpasserai. Jamais tu ne trouveras en moi un ladre et jamais tu ne pourras alléguer de ma part un mauvais emploi de tes talents comme prétexte à me trahir. Me crois-tu mon enfant ?
- Oui, Sire."

Le temps est venu pour Fitz de prendre une chambre au château, de se vêtir d'atouts de son rang, de faire son apprentissage des armes avec Dame Hob, de la sellerie et de la monte avec Burrich et de l'écriture, durant les saisons froides, avec le scribe Gearepu. Plus tard, sur l'insistance d'une personne, le roi Subtil envisagera aussi de le confier à Galen pour la maîtrise de l'Art. L'Art est l'élément qui équilibre le corps et l'esprit, un pouvoir télépathe qui lit les pensées d'autrui, qui communique avec les personnes sans la parole, qui peut influencer ou rendre la confusion et la folie. L'Art n'est transmis qu'après un long enseignement endurant et douloureux. Il est l'apanage des familles royales et des gens de hautes lignées.

Puis une nuit, Fitz reçoit la visite d'un homme mystérieux. le roi Subtil a demandé à Umbre de former le jeune garçon. Cette instruction restera confidentielle et seul le roi sera tenu informé tous les trimestres. L'apprentissage cette fois-ci sera nocturne, "les heures ténébreuses du monde". Il est celui des arcanes de la vie et de la mort. Fitz apprendra le secret des plantes, l'art du mensonge et de la dissimulation, la prestidigitation, se déplacer sans bruit, devenir inexistant, la manière pour lier connaissance avec les gens du peuple, observer, rentrer dans les confidences, être les yeux et les oreilles du royaume.
"- N'oublie pas que tu sers le roi. On te confie une mission, tu l'exécutes. Et sois heureux de l'avoir menée à bien ; c'est tout ce que tu dois savoir. Seul Subtil est habilité à prévoir les coups et à organiser son jeu. Toi et moi, nous sommes des pions, si tu veux. Mais aussi ses meilleurs pointeurs, sois-en assuré."
Une autre existence se révèle à Fitz-Chevalerie Loinvoyant. A l'ébauche de sa vie, il va être programmé et utilisé. Il va devenir un assassin royal.
"- Il s'agit de t'enseigner le meurtre... L'art raffiné de l'assassinat diplomatique ; ou bien comment rendre aveugle ou sourd ; ou encore comment affaiblir... Je vais t'apprendre la manière furtive, sournoise, polie de tuer les gens..."

Les intrigues pour le pouvoir, la lutte avec les Pirates Rouges qui vandalisent les côtes, les Forgés des âmes fantômes et sanguinaires, les Six-Duchés à maintenir... le Royaume est en équilibre et Fitz apprend à être une arme redoutable.

J'ai beaucoup aimé ce livre. J'ai été sensible au petit garçon solitaire, à son évolution, ainsi que sa relation avec certains personnages, Burrich (homme bouru, loyal et fidèle, pudique dans ses sentiments, il s'est attaché à Fitz, il l'aime mais ne le montre pas), le prince Vérité, Umbre, le Fou du roi et Molly. L'histoire est prenante, elle se forge petit à petit pour être révéler (comme on s'en doutait) dans les derniers chapitres. J'ai aimé aussi la période des apprentissages, du plus simple au plus sombre et mortel avec Umbre. J'appréhendais un peu une écriture obscure et compliquée (ce livre étant mon premier du genre fantasy et je ne compte pas celles de "L'apprenti d'Araluen" dans la littérature jeunesse, lues avec Scor13, ni des quelques pages grappillées dans la série "Le Seigneurs des Anneaux") et j'avais tort car j'ai lu les 566 pages dans une journée. Je peux dire même "dévoré"...
Dans quelques jours, j'attaquerai la suite. Ce roman, un prélude aux autres histoires, laisse notre jeune héro dans l'adolescence, sa vie ne fait que s'amorcer.
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}