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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Shifting gears 2: Civil War II (épisodes 8 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 13 à 17, initialement parus en 2017, écrits par Dennis Hopeless, dessinés et encrés par Veronica Fish, avec l'aide d'Andy Fish pour l'encrage des épisodes 16 & 17. La mise en couleurs a été réalisée par Rachelle Rosenberg. C'est le dernier tome de la série.

Spider-Woman (Jessica Drew) est en train de poursuivre Blizzard (Donnie Gill) sur les toits de New York. Il vient de commettre un vol, et elle le rattrape. Dans le même temps, elle s'admoneste intérieurement pour se concentrer sur une tâche à la fois et ne pas penser à son fils Gerry simultanément. Elle rentre chez elle, un peu (dé)trempée, prend une douche, mange un morceau, et promet à Ben Urich (qui s'occupe du nourrisson Gerry) de ne pas faire de remarque à Roger Gocking (Porcupine) qui a dû s'absenter pour une course personnelle. Il s'est rendu dans un bar pour parler avec un boss. le lendemain, Jessica Drew se rend avec son fils à Hollow Moon, le village qu'elle a découvert dans le tome 1.

Le soir même, Ben Urich et Roger Gocking ont une discussion entre eux sur le toit d'un immeuble, quand Roger est soudainement attaqué par un groupe de supercriminels composé de Beetle (Abner Jenkins), Bruin, Unicorn (Milos Masaryk), Ringer (Keith Kraft), et un autre. Après l'affrontement, Ben Urich va porter la mauvaise nouvelle à Jessica qui est en train de s'occuper de son nourrisson. Elle décide d'enquêter pour savoir ce qui a bien pu valoir à Porcupine, une attaque menée par les sbires de Hobgoblin (Roderick Kinsley). Elle accepte à contrecoeur l'aide de Carol Danvers pour garder Gerry, puis elle commence par se rendre à Hollow's Moon, où elle se fait mal recevoir par Olivia, l'ex-femme de Roger Gocking. Elle a droit à une petite explication de texte par Ben Urich.

Cette série arrive à son dernier tome, toujours écrit par Dennis Hopeless. Cette fois-ci : c'est personnel : Jessica Drew continue d'être une jeune mère, et une superhéroïne, et Roger Gocking doit régler un gros problème personnel. Contre toute attente, et malgré 2 interférences avec des crossovers, le scénariste a su maintenir le cap de son intrigue principale. Jessica Drew est devenue une mère, en conservant le secret de l'identité du père. Tous les lecteurs de comics le savent : transformer un superhéros ou une superhéroïne en parent est une fausse bonne idée. L'auteur donne l'impression d'un changement majeur au lecteur, mais ce dernier sait très bien qu'être parent n'est pas compatible avec une vie d'aventures sans fin. Il sait également que soit le parent devra se ranger des voitures, soit, l'enfant subira un sort peu enviable (généralement une croissance accélérée qui le promouvra au rang superhéros ou supercriminel comme Nathan Summers, ou une mort prématurée). Si vraiment aucun scénariste n'arrive à se résoudre à lui faire subir un tel sort, il est à craindre qu'il ne reste à l'état de nourrisson comme dans une stase immuable (par exemple Danielle Cage).

Au vu de la courte durée de la série, Dennis Hopeless ne se retrouve pas au pied du mur, contraint de déterminer le sort de Gerry Drew. Il continue de mettre en scène la vie de Jessica Drew d'une manière aussi factuelle que respectueuse. En plongeant dans ce tome, le lecteur constate les connexions avec l'univers partagé Marvel. Il y a bien sûr les différents criminels, surtout choisis pour leur manque d'aura et de prestige : Beetle (Abner Jenkins), Blaze (Kirk Donahue), Bruin, Gibbon (Marty Blank), Unicorn (Milos Masaryk), Cat. le plus connu doit être Hobgoblin (Roderick Kinsley), et encore a-t-il été écarté de l'actualité de Spider-Man depuis de nombreuses années. de ce point de vue, le scénariste tient sa promesse, exprimée par Jessica Drew, de se tenir à l'écart des grands événements et d'essayer de mener une vie à l'échelle d'un être humain. le lecteur a accès aux pensées de l'héroïne, alors qu'elle fait ce qu'elle peut pour concilier ses 3 vies : mère, superhéroïne, enquêtrice. Roger Gocking est confronté à un problème d'argent, et il essaye de se montrer à la hauteur de sa patronne, de l'exemple qu'elle donne. Ben Urich reste un individu avec une solide expérience de la vie, et un flegme découlant d'une forme de prise de recul. le lecteur apprécie de pouvoir ainsi se projeter dans les problématiques des personnages.

Dennis Hopeless sait mettre en scène les moments ordinaires de la vie. Il ne dramatise pas à l'excès, les efforts de Roger Gocking pour se réhabiliter. Il montre juste un individu se comportant du mieux qu'il peut pour faire honneur à sone employeuse. Il montre comment Jessica Drew s'appuie sur l'aide de ses amis pour s'organiser au quotidien. Carol Danvers vient proposer son aide à Jessica Drew, avec maladresse et avec gêne (suite aux événements de Civil War II), et cette dernière l'accepte du bout des lèvres, à contrecoeur, mais en se souvenant de l'amitié qui les a liées. Ben Urich prodigue des conseils à Roger Gocking, avec précaution, tout en se montrant ferme. le lecteur apprécie que le scénariste narre ses passages en prenant soin de montrer qu'il s'agit de personnages adultes, et que les uns fassent en sorte de ménager la susceptibilité des autres. Ces petites attentions s'observent dans leur comportement sans qu'il soit besoin qu'elles soient explicitées, comme dans la vie d'adultes. L'auteur termine la série par une nouvelle fête sur le toit de l'immeuble de Jessica Drew, tout aussi touchante, puisqu'elle doit affronter le regard de ses amis, et leur jugement de valeur concernant Roger Gocking, un supercriminel repenti, de troisième ordre. Ces différents moments nourrissent une comédie de situation légère et sympathique, touchante aussi.

Dans la mesure où il s'agit d'un comics de superhéros, le scénariste est dans l'obligation d'inclure également des scènes d'action. Dans le dernier épisode, le pauvre Roger Gocking essaye de récupérer le nourrisson qui fait des siennes. Dans les 4 premiers épisodes, Spider-Woman affronte des supercriminels dont la motivation repose sur une forme de racket. Ils ne disposent pas d'une personnalité très développée, et pourraient être interchangeables, sauf pour leurs superpouvoirs. L'objectif de leur présence est de fournir le quota d'action et de respecter les conventions attendues d'un comics de superhéros. le lecteur a droit à sa dose d'affrontements physiques et de décharges d'énergie. À une ou deux reprises, le scénariste donne l'impression de basculer dans le second degré, par exemple en soulignant la gravité des blessures de Spider-Woman qui retourne quand même au combat derechef.

Pour ce tome, Javier Rodriguez (le dessinateur des premiers épisodes) a définitivement cédé sa place à Veronica Fish. le lecteur finit par s'habituer à sa représentation un peu simplifiée de la réalité. La régularité de la présence des décors est un peu plus élevée que dans un comics de superhéros lambda. Ils ne présentent pas un niveau de détails élevés, mais ils sont suffisants pour savoir où se déroule chaque scène. En fait, le lecteur finit par apprécier que cette dessinatrice arrive à donner des particularités à chaque endroit en peu de traits : la rue principale de Moon's Hollow avec les marchands ambulants, le toit en terrasse très propre et très plat où discutent Roger et Ben, l'ameublement de l'appartement de Jessica, la rambarde de l'escalier menant à l'étage dans la maison d'Olivia, la route déserte, la casse de voitures et bien sûr le toit en terrasse de l'immeuble de Jessica où se tient la fête finale.

Les traits des visages des personnages sont également assez simplifiés, parfois plus esquissés que peaufinés, et avec des expressions un peu exagérées. Mais là encore ce choix artistique s'avère cohérent avec le reste de la narration visuelle. En procédant ainsi, l'artiste arrive à montrer les sentiments des personnages et leur état d'esprit, avec une palette d'émotions assez large. Au contraire de l'étrange position de Spider-Woman sur la couverture, les pages intérieures n'en font jamais une contorsionniste, ne la réduise jamais à un objet sexuel (même quand elle prend une douche). Veronica Fish sait tout aussi bien mettre en scène les affrontements physiques (la quasi-totalité de l'épisode 16), en montrant l'enchaînement des mouvements et des déplacements, que les séquences d'interaction entre personnes (comme par exemple le moment de gêne quand Olivia traite Jessica avec froideur). le lecteur ressent comme une forme d'intimité avec les personnages, sans qu'elle ne relève de la titillation. Il apprécie cette forme de sensibilité graphique.

Ce dernier tome vient conclure cette phase de la vie de Jessica Drew. Alors que la série avait commencé sous les auspices peu engageants du crossover Spider-verse, Dennis Hopeless a su rediriger la série vers un récit plus personnel, maintenant des liens avec l'univers partagé Marvel, sans en devenir esclave. Il a mis en scène une jeune femme indépendante, attachante dans ses imperfections, chaleureuse dans ses relations avec autrui, fermement décidée à être une mère, sans s'encombrer d'un mari ou d'un père. Les dessins ont été professionnels d'un bout à l'autre, chacun avec leur force et leur faiblesse. Ensembles, ils ont réalisé une série sortant du moule traditionnel des comics de superhéros, avec une pointe d'humour et une sensibilité inattendue.
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