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Critique de Eve-Yeshe


Gréco, une femme d'un âge certain, à l'habitude de se promener tous les matins sur le sentier qui mène à la plage et passe ainsi devant la villa E. 1027 sur laquelle elle veille, car fascinée par son histoire et son architecture, elle désire l'acheter. Or, les héritiers se déchirent et la maison est fermée, victimes de cambriolages et se détériore.

Un jour, elle s'aperçoit que les scellés ont été rompus et qu'il y a des squatteurs, alors que faire ? Les dénoncer ? le lendemain, elle se décide à entrer et voir ce qui se passe et rencontre deux gens, danseurs du genre hippie, qui évoluent de manière décontractée à l'intérieur et va faire leur connaissance.

Peu de monde le savait et pour ceux qui le savaient, c'était un secret bien gardé : cette porte permettait d'accéder, en passant sous des arceaux de verdure et dans une odeur de feuilles, d'agrumes et d'humidité, à la maison d'Eileen Gray, la villa E.1027. P 26


Dans le prologue, on découvre un bébé qui marche dans l'herbe pieds nus près de son père et la communauté Monté Verita à Ascona en 1918. On va comprendre très vite qu'il s'agit de Gréco avec son père et que ces images, sont des bribes du passé qu'elle a refoulé et qui remontent et viennent la hanter dans ses rêves.

Gréco, décoratrice, qui a dessiné aussi des meubles, comme Eileen Gray qui a dessiné la villa, continue à dessiner pour ne pas rompre tous les liens avec son métier. C'est une femme discrète et solitaire qui aime les choses simples, la nature, les belles choses.

Elle a tellement voulu oublier qu'elle caché toutes ses archives, pour les rendre inaccessibles jusqu'au jour où elle se décide enfin à ouvrir les boites et tombe sur un film…

La fragilité et la pudeur de Gréco vont peu à peu se modifier au contact des deux squatteurs, qui sont des danseurs, se baignent nus, se travestissent surtout Louison dont les plaisanteries sont d'un goût douteux, transgressif.

Ce qui frappe c'est l'extrême sensibilité de chacun les personnages… et la manière dont chacun semble être au départ aérien, à peine ébauché et se construire, pour prendre de la consistance, s'étoffer au fur et à mesure que se déroule l'intrigue, avec une sorte d'effet papillon. A un instant T se produit un évènement qui va permettre cette transformation.

Chaque personnage a son importance même ceux qui semblent n'être que des seconds rôles mais qui en fait sont nécessaires, telle « la femme dans la fenêtre » qui est cloîtrée chez elle au début, comme Gréco peut l'être dans son passé et qui va peu à peu se hasarder à aller plus loin, sortir au sens physique du terme, comme Gréco qui se résout enfin à aller ouvrir ses cartons d'archives et faire ressurgir le passé.

Célia Houdart nous raconte cette rencontre mais nous apprend aussi beaucoup de choses sur la villa : elle aussi a un passé, une histoire, elle a été construite par Eileen Gray et Jean Badovici des plans aux meubles en passant par les matériaux. Plus tard Le Corbusier est venu y peindre des fresques sur les murs au grand dam d'Eileen. Elle a été terminée en 1929. On est donc dans une période très riche sur la plan artistique, architecturale, les années folles… qui est passionnante.

Elle a été construite entre 1926 et 1929 par Eileen Gray, une architecte et designer irlandaise, et Jean, un architecte roumain. Deux amis et amants qui combinèrent leurs initiales cryptées pour baptiser la villa, dont le nom sonne encore comme un rendez-vous secret : E pour Eileen, 10 (la dixième lettre de l'alphabet pour le J de Jean, 2 pour le B de Badovici , 7 pour le G de Gray. P 88

L'auteure revient aussi sur la communauté de Monté Verita, à Ascona où est née Gréco : il s'agit d'une communauté assez fermée, quasi sectaire de gens marginaux, artistes et autres : qui prônait le Végétarisme, rare à l'époque, la théosophie, le contact avec la nature, leur but étant de créer une nouvelle société. Ici sont passés Herman Hesse, Kandiski, Jung, et des enfants y sont nés, telle Isadora Duncan dans le début du XXe.

J'ai beaucoup aimé la manière dont Célia Houdart a construit son roman, entremêlant les histoires personnelles et celles des lieux et leurs symboliques, leur évolution réciproque dans le temps, ce qui vieillit et se patine, ce qui s'étiole si l'on n'en prend pas soin. Son amour de la Nature, de l'harmonie, ressort avec les marches matinales de Gréco pour aller à la plage ou les goûters de fruits…

Ce livre est plein de douceur et en même temps il y a une tension sous-jacente qui vient heurter, troubler les équilibres, comme les vagues sur la plage qui peuvent se dérouler calmement sur la plage ou peuvent au contraire battre le sable sous la poussée du vent.

C'est ce que j'appellerai la « petite musique de l'auteure » et j'ai hâte de la retrouver…

Bref, j'ai beaucoup aimé et je suis encore sous le charme du livre et de l'auteure.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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