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Critique de NMTB


NMTB
18 décembre 2014
En attendant son procès Rudolf Hoess a rédigé ses mémoires à la demande de ses avocats. C'est le témoignage d'un homme qui avait conscience de l'inéluctabilité de sa condamnation à mort et y était résigné. Un témoignage qui a certainement sa part de sincérité, dans le sens où, rétrospectivement, Hoess ne se considérait pas comme un bourreau mais comme un militaire qui était dans l'obligation d'étouffer ses sentiments pour faire son devoir. Toutefois, la sincérité n'est pas un gage de vérité et il cherche avant tout à se dédouaner (au niveau humain) des atrocités perpétrées à Auschwitz.
Il commence par relater son enfance pieuse, le destin religieux auquel l'avaient voué ses parents, sa perte de la foi, sa vocation militaire, sa détention à la prison de Brandenburg durant quatre ans, son passage chez les Artamans (sorte de communauté rurale nationaliste), son désir de devenir agriculteur et finalement son engagement nazi.
Toute sa carrière au sein du parti d'Hitler s'est déroulée dans l'encadrement des camps de concentration avec une ascension rapide de la hiérarchie. de 1934 à 1938 à Dachau, de 1938 à 1940 à Sachsenhausen, puis à partir de 1940 comme commandant d'Auschwitz ; il a été une importante cheville ouvrière du système concentrationnaire nazi.
D'abord conçus pour enfermer des prisonniers de droit commun et des opposants politique, les camps de concentration faisaient partie des mesures qui permirent à Himmler et à ses SS de faire régner la terreur. Hoess raconte comment Eicke (l'un des principaux instigateurs des camps) a inculqué la violence aux soldats en charge de la surveillance ; une brutalité dont ils ne se départiront jamais par la suite.
Des différents types de prisonniers, outre les opposants politiques et les prisonniers de droit commun, il évoque particulièrement les témoins de Jéhovah et leur absolu pacifisme, les homosexuels et les Tziganes. Tous ont subi des mauvais traitements, ont été les victimes d'assassinats arbitraires et du délabrement progressif des camps après l'entrée en guerre. Hoess, en tant que commandant, dit avoir été accaparé par la construction d'Auschwitz et l'agrandissement exponentiel qu'exigeait Himmler. En ce qui concerne les mauvais traitements, il les impute à ses subordonnés.
Cependant aucun de ces différents groupes de prisonniers n'a été désigné pour être exterminé radicalement, à la différence de « la solution finale de la question juive » (qui fait, dans ce livre, l'objet d'une annexe). Un plan secret que Rudolf Hoess atteste avoir mis en oeuvre sur l'ordre d'Himmler ; les modalités étant discutées avec Eichmann. Mais Hitler avait ouvert en même temps un nouveau front à l'Est et la demande de main d'oeuvre pour l'industrie de l'armement se faisait de plus en plus pressante, aussi Rudolf Hoess dit avoir reçu des ordres contradictoires pour maintenir en vie les Juifs en état de travailler.
Quoi qu'il en soit, il a écrit ses mémoires non pas pour se confesser mais pour se justifier. Il ne renie aucunement son engagement nazi, ne ressent aucune responsabilité personnelle mais accepte sa responsabilité uniquement parce que le règlement le dit : « Mais je n'ai jamais été cruel et je ne me suis jamais laissé entraîner à des sévices. Bien des choses se sont produites à Auschwitz – soi-disant en mon nom et sur mes ordres – dont je n'ai jamais rien su : je ne les aurais ni tolérées ni approuvées. Mais puisque c'était à Auschwitz j'en suis responsable. le règlement du camp le dit expressément : le commandant est entièrement responsable pour toute l'étendue de son camp. » Il se présente comme un exécutant d'ordre zélé et soumis, et d'autre part comme un commandant incompris par des subordonnés incapables et fanatisés par la violence. Quand il évoque le premier homme qu'il a tué en tant que soldat, la première exécution à laquelle il a assistée, les massacres dans les chambres à gaz, chaque fois il exprime son dégoût, sa pitié, son angoisse et il conclut en disant :
« Que le grand public continue donc à me considérer comme une bête féroce, un sadique cruel, comme l'assassin de millions d'êtres humains : les masses ne sauraient se faire une autre idée de l'ancien commandant d'Auschwitz. Elles ne comprendront jamais que, moi, aussi, j'avais un coeur… »
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