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Critique de DrSquarepants


Considéré comme un chef d'oeuvre d'anticipation le meilleur des mondes d'Aldous Huxley rédigé en 1931 dépeint une société futuriste où tout a été mis en oeuvre pour débarrasser l'humanité de toute forme de souffrance et de frustration.

La grande force de cet ouvrage est son côté visionnaire. La description du futur est étonnamment moderne à tel point que je pensais qu'il avait été rédigé dans les années 60, ce n'est qu'après en avoir lu la moitié que j'ai appris qu'il avait été rédigé au début des années 30. Force est d'admettre qu'Huxley a fait preuve d'un sens de l'anticipation réellement bluffant : les congés, la notion de loisir, la société de consommation sont des notions très actuelles qui sont apparues bien après la rédaction du livre.

Dans le monde futuriste imaginé par Huxley le statut social de chaque individu est déterminé avant même la conception à l'aide de technique eugéniques au sein d'éprouvettes, on travaille docilement selon un quota d'heure rigoureusement défini. Lorsque la population ne travaille pas, elle doit se distraire en consommant de sorte que, soit elle est productive, soit elle consomme le fruit de ce qu'elle produit dans une sorte de « cercle vertueux », (« je consomme donc je suis », « être consommateur ou ne pas être » etc. ce n'est pas dans le livre mais tant qu'à citer Shakespeare, pourquoi ne pas l'accommoder a la sauce Fordienne, vu que Shakespeare dans sa forme originelle n'a pas droit de citer dans ce « meilleur des mondes »), la sexualité, elle même est ramenée à un pure produit de consommation : les hommes « prennent » les femmes comme on prend le métro, et si malgré cela une pointe de frustration apparaît il est possible de se « défoncer » avec un puissant psychotrope sous l'oeil bienveillant d'un individu devenu un dieu ou plutôt qui a remplacé Dieu, appelé Henry Ford. On ne lit surtout pas d'autre livre que ceux autorisés par cette « dictature douce », on ne réfléchi pas. On se drogue, on s'envoie en l'air avec n'importe qui (avec des préservatifs, c'est toujours ça de pris !), et on prie un illuminé, ce « meilleur des mondes » a tout du délire d'un gourou particulièrement retors.

J'avoue ne pas avoir apprécié ce livre, ce qui m'a rendu sa lecture pénible c'est qu'il n'y a pas grand-chose à sauver dans cette histoire et surtout pas grand monde. Chaque fois qu'on pense être face à un personnage pour lequel on peut avoir un peu de sympathie on est invariablement déçu, ils finissent tous par se complaire dans le marasme de leurs existences tristes plutôt que de sonner la révolte que l'on espère. Ils sont les jouets de la fatalité, sans révolution possible. Quoi qu'il arrive, le système prend systématiquement le dessus et la seule solution pérenne semble être la préservation de cet état de bonheur factice dans lequel moins on en sait mieux on se porte. Même quand apparaît le sauvage qui incarne le vestige de notre civilisation et de ses valeurs, personnage auquel on pense pouvoir s'identifier, on est à nouveau face a un individu au comportement dérangeant, agressif, brutal envers les autres et envers lui même, un individu dont les idées sont plus en phases avec celle de notre civilisation sur le fond mais aussi fanatique que les individus du monde moderne sur la forme.

Je pense que le premier objectif d'un roman est de divertir. S'il n'apporte pas de quelconque satisfaction au lecteur et qu'il le laisse sur le bord de la route, comment lui faire passer un message, comment amener un débat, comment poser une réflexion ? Je ne souhaite pas forcément une fin heureuse, au contraire je pense que les livres ou films qui finissent mal sont souvent les plus intéressants mais il faut au moins apporter un peu de lumière, un peu de magie à un roman, un livre doit offrir un peu d'évasion au lecteur. J'ai le sentiment qu'Huxley s'est borné à décrire un futur plausible, ce que pourrait être la réalité dans quelques années. Pas de Héros ici, des lâches qui finissent par abdiquer d'une façon ou d'une autre, ils sont finalement très humains, bien trop humains.

Le meilleur des mondes c'est avant tout le récit de deux civilisations qui s'affrontent. D'un côté une société futuriste débarrassée de toute frustration, où le bonheur est synonyme de consommation et de distraction. Toute pensée originale y est bannie. Et de l'autre notre civilisation occidentale actuelle avec ses codes ses valeurs, ses frustrations, sa liberté de penser, ses conflits… le livre d'Huxley se conclut de telle sorte que ces deux civilisations semblent être renvoyées dos à dos sans qu'il ne soit clairement établi laquelle est préférable. Sachant qu'Hitler a accédé au pouvoir en 1933 et a essayé de mettre en place une société telle que décrite par Huxley avec le résultat que l'on connaît, comment ne pas être troublé par la conclusion de ce livre…
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