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Critique de Henri-l-oiseleur


Zola, chef et fondateur de l'école naturaliste, occulte un peu ses collègues et disciples auprès des lecteurs. On ne jure que par ce romancier facile, répétitif et bien-pensant, moins pour son art du roman, qui reste assez grossier, que pour ses homélies à grandes idées généreuses. Pourtant le groupe naturaliste comprenait aussi Joris-Karl Huysmans, romancier pratiquant l'écriture artiste, disciple un temps de Zola, exclu par lui pour divergences idéologiques plus que par esthétique. Il y a deux Huysmans : le premier, dont les romans initiaux et les nouvelles sont publiés en un volume de la collection "Bouquins" (Robert Laffont), et l'autre, le naturaliste converti au christianisme, dont les quatre romans consacrés à la foi sont publiés par Bartillat : c'est le présent volume.

Ces quatre romans, fortement autobiographiques, racontent la transformation d'un personnage nommé Durtal, double assez transparent de l'auteur. D'abord préoccupé de spiritualité, commençant par le satanisme, il revient peu à peu à l'église catholique, approche les sacrements et devient à la fin oblat bénédictin, non sans hésitations, combats intérieurs et débats avec lui-même. Ces quatre romans sont donc l'histoire d'une âme, et ne se distinguent pas de la manière naturaliste. Le corps, la présence au monde physique, l'esthétique, la vie concrète et l'évolution du héros ne diffèrent des oeuvres de Zola que sur un seul point : on n'y retrouve pas le prêche laïcard, la sotte foi dans la science et le progressisme socialiste, qui font de Zola, aujourd'hui encore, un romancier lu dans les écoles.

Un dernier point rend la tétralogie de Durtal absolument remarquable. Huysmans raconte la conversion d'un intellectuel, d'un esthète, d'un écrivain, à savoir d'un être compliqué, orgueilleux, extrêmement exigeant en matière d'art et impitoyable avec la bêtise et le mauvais goût. Or en cette fin de XIX°s, la bêtise et le mauvais goût sont équitablement répartis dans le camp des progressistes et dans celui des catholiques. Les quatre romans nous racontent le compromis difficile que doit faire Durtal entre l'appel divin et la décevante réalité de l'église, ignorante, sulpicienne, empâtée dans le "bégueulisme" et l'eau bénite. Ces romans placent sur la route de Durtal quelques prêtres intelligents (dont le fameux abbé Mugnier fut le modèle), et sont contemporains du renouveau esthétique chrétien de Solesmes. l
Le chant grégorien, le goût pour les images et les usages médiévaux renaissent, une exigence de beauté s'impose dans les milieux monastiques. C'est l'occasion pour Huysmans de réfléchir à la possibilité d'un nouvel art chrétien, d'une littérature, d'une statuaire, d'une peinture qui soient à la fois modernes, belles, et témoins de la foi. L'époque où il écrit est celle de l'Age d'Argent en Russie, où l'on redécouvre les icônes auxquelles même les peintres occidentaux s'intéressent. Les pages de ces romans contiennent des manifestes fascinants pour une réconciliation de l'intelligence, de la beauté et de la foi. C'est profondément intéressant, et aussi, profondément tragique : on sait ce que 1917 a fait de l'art russe chrétien, et ce que Vatican II a fait de la beauté en terres catholiques.

Essai sur des renaissances qui auraient pu avoir lieu : c'est l'une des grandes qualités de cette tétralogie.
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