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Critique de sylviedoc


Comme souvent quand une lecture m'a particulièrement touchée, il m'a fallu prendre un peu de recul avant de tenter d'exprimer mon ressenti à la suite de celle-ci. "La bibliothécaire d'Auschwitz" n'est pas un roman, une histoire, dont on ressort intact et pareil qu'avant. Ce n'est pas ma première incursion dans l'univers terrible d'Auschwitz et de la période qui s'y rattache, mais elle avait ceci de particulier que Dita, l'héroïne, n'est pas un simple personnage : elle a bel et bien existé, traversé les épreuves relatées, et vit toujours entre Israël et Prague, sa ville d'origine où elle continue d'effectuer des pèlerinages réguliers.

Il s'agit davantage d'un récit de vie un peu romancé, celui d'une adolescence à l'heure où les bottes nazies commencent à piétiner l'Europe et où les familles juives sont peu à peu contraintes à déménager dans des quartiers précis, puis comme c'est le cas à Prague dans des ghettos où la liberté sera de plus en plus restreinte. La jeune Dita va vivre cette dégringolade sociale en quelques mois, passant d'un bel appartement lumineux et moderne au ghetto de Terezin, qui n'est pourtant que l'antichambre d'un enfer bien plus redoutable : le tristement célèbre camp d'Auschwitz-Birkenau, où elle sera déportée avec sa famille en décembre 1943. Et encore, dans leur malheur ils auront la "chance" d'être affectés au camp familial, ce leurre mis en place pour berner la Croix-Rouge lorsqu'elle viendra inspecter les lieux, ne soupçonnant pas qu'à quelques mètres à peine aucun enfant ne survit plus de quelques heures...

Et c'est là, au sein du camp, dans le bloc 31 précisément, que la vie de Dita va prendre un tournant grâce à Fredy Hirsch (héros bien réel lui aussi) qui va lui confier la tâche prestigieuse mais aussi terriblement périlleuse de gérer la "bibliothèque" clandestine constituée de huit livres introduits ici au prix du danger, les livres étant absolument bannis par les SS, puisque la connaissance est infiniment plus dangereuse que bien des armes.
Le bloc 31 est en apparence une simple garderie destinée à occuper les enfants par des chants et des pantomines inoffensives, mais en réalité il abrite une école secrète dont les adultes responsables ne perdent pas une occasion d'instruire les jeunes. Et ces quelques pauvres recueils, un atlas, un manuel de géométrie, une grammaire russe, un traité de psychanalyse de freud et 2-3 romans sont un véritable trésor que Dita va s'employer à préserver et à maintenir en état à tout prix, alors même qu'elle se sait surveillée par l'ogre Mengele.

J'ai tremblé pour elle à maintes reprises, je l'ai suivie émerveillée dans sa lecture de "Le brave soldat Chvéïk" de Jaroslav Hašek, un livre jugé "subversif" qu'elle découvrira cachée dans des latrines puantes. J'ai fait connaissance avec les autres figures du camp, parfois amies, parfois disposées à trahir les leurs pour quelques morceaux de pain, j'ai découvert les tractations incessantes pour des crayons, une place sur une paillasse, un peu de couture, ou d'autres "faveurs" plus ou moins avouables. L'angoisse, aussi, sachant qu'au bout de six mois, l'avenir des habitants du camp familial va basculer on ne sait vers quoi... J'ai vécu des moments lumineux, parce que même quand tout paraît sombre, certains gardent comme Dita la capacité à emmagasiner des petits bonheurs, ou de faire ressurgir un "album photo", intime et immatériel, rempli de souvenirs des jours heureux.
Et puis, j'ai réalisé qu'il y avait encore pire après Auschwitz, jusqu'à l'arrivée des alliés...

Je ressors bien entendue bouleversée de ma lecture, mais surtout admirative de la résilience dont les survivants ont fait preuve (j'en ai d'ailleurs été témoin direct, avec ce que mon grand-père m'a raconté de ces années-là, et aussi au travers d'une rencontre avec Ginette Kolinka il y a quelques années). Il faut absolument que les générations d'après la mienne continuent à être informées de ce qui s'est passé dans les camps, même si cela va devenir bien plus difficile très prochainement, puisque les survivants ne sont maintenant plus qu'une poignée. Nous constatons actuellement la "faculté" d'oubli de l'humain, avec les conflits en cours, c'est comme si l'histoire n'avait apporté aucune leçon. Je l'avoue humblement, j'ai peur de la décennie à venir, je me sens de plus en plus pessimiste quant à la capacité de nos dirigeants à éviter de retomber dans l'escalade et les erreurs déjà commises par le passé. Je veux croire en la jeunesse cependant, et j'espère qu'elle sera en capacité de rectifier le tir quand elle parviendra aux manettes, parce qu'il y a du pain sur la planche... En attendant, nous pouvons toujours lire et relire des ouvrages comme "La bibliothécaire d'Auschwitz", tant qu'ils ne seront pas censurés.
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