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Critique de Charliebbtl


Une plongée dans le royaume des poules

Premier tome d'une trilogie tournant autour des 3 personnages principaux de la saga (Albin le poussin, Célis le vipereau et Zora le renardeau), cet opus repose principalement sur le personnage d'Albin.

Nous voilà donc plongés dans un monde constitué par trois territoires (les Poules, Les Renards, les Vipères) régis par les lois naturelles et donc susceptibles de se faire la guerre à tout moment. C'est, en tout cas, ce que l'on rappelle constamment au peuple gallinacé et Mlle Kiglousse, l'institutrice, la première. Albin, le poussin, se pose pourtant une question essentielle même si jugée incongrue par ses camarades : ne serait-il pas plus simple de faire la paix avec les deux autres territoires ? Alors que ses congénères s'indignent de cette possibilité, Albin va découvrir, tout au long du roman, que cette « guerre perpétuelle » n'est aucunement le fruit du hasard et que ce que l'on revendique comme « naturel » arrange surtout les intérêts de certains. Albin parviendra-t-il à mettre à jour cette vérité et convaincre les autres poules de revoir leurs positions sur le sujet ?

Une jolie leçon de vie

Je ne vais pas revenir sur la qualité de l'écriture, l'intelligence du propos et la « mignonitude » des illustrations (ici celles de Miss Paty) des ouvrages édités par Poulpe Fictions, il vous suffit de relire ma chronique sur "Orage, Petit seigneur des ténèbres".

Faisant référence au jeu de cours de récré du même nom, le titre parle forcément aux plus jeunes mais ce qui est intéressant ici, c'est que le roman met surtout en avant les subtilités d'un jeu dont les règles sont bien plus complexes qu'il n'y paraît d'où la possibilité d'une lecture à plusieurs niveaux. En effet, la première chose qui vient à l'esprit, ce sont les trois principes suivants :
- Les renards mangent les poules ;
- Les poules picorent les vipères ;
- Les vipères mordent les renards.
Une fois cela dit, ben on tourne en rond. Et c'est là qu'intervient le talent de Paul Ivoire et l'intérêt du personnage d'Albin. En effet, ce petit poussin, au fil de son aventure et aidé de ses jeunes amis Célis, Zora et Plume, va nous démontrer que cette relation tripartite n'est pas aussi figée que cela, que les alliances entre clans sont parfois nécessaires afin de survivre et que les mésalliances en interne sont parfois possibles. En gros, les choses ne sont jamais aussi simples que l'on veut bien le montrer. D'ailleurs, le choix des personnages est aussi révélateur de cette complexité. Dans la tradition populaire, on aurait tendance à appliquer la vision manichéenne classique : les poules sont les gentilles, les renards et les vipères sont les méchants. L'histoire nous prouve que là encore cette vision en surface du monde est trompeuse et que les gentils ne sont pas toujours là où l'on pense. Cela me semblerait d'ailleurs une réflexion intéressante à mener en classe pour casser cette image un peu trop tranchée du monde qu'ont en général les enfants et les aider à mener une réflexion sur le regard que l'on porte sur l'étranger.

Une autre critique intéressante est celle de l'obscurantisme qui est ici symbolisée par la relation entre le souverain et le comte d'Ergot. Ce dernier fait, en effet, une découverte qui devrait changer la face du monde et donc modifier les rapports entre les trois territoires. Apprenant cela, le roi ne peut le supporter car cela impliquerait la fin des ses ambitions de pouvoir. En somme, le comte d'Ergot est une sorte de Galilée avec des plumes et Mlle Kiglousse, sa fidèle assistante (un petit peu amoureuse quand même). Cette illustration me semble faciliter l'approche de cette notion complexe et hélas encore bien trop à la mode à notre époque, ou comment aborder la philosophie simplement avec les plus jeunes. Ce qui est également intéressant, c'est de constater que cette lutte contre l'aveuglement souhaité par certains adultes est ici menée par des enfants, ce qui laisse là encore plein d'espoir pour notre humanité trop souvent défaillante.

Enfin un autre élément que j'ai trouvé intéressant, c'est cet espace appelé « le Triangle sans nom » qui m'a fait penser immédiatement aux No man's land qui ont marqué l'Histoire (Première Guerre mondiale, RFA/RDA, les deux Corées). Là encore, derrière une histoire apparemment destinée aux enfants, c'est une leçon d'Histoire qui leur est proposée et c'est cela qui me plaît de plus en plus dans les ouvrages de Poulpe fictions : c'est le genre de roman dont on sort avec l'impression de s'être fait plaisir tout en ayant appris quelque chose sur la vie.

Ma chouchoute à moi

Bien qu'Albin soit au centre de ce premier opus, ma préférence va aux personnages de Zora et de Plume qui incarnent toutes les deux une forme de féminisme rempli d'intelligence et de courage. Zora gagne ses galons de renard expérimenté sans suivre la voie de ses ancêtres et sans tomber dans la barbarie. Quant à Plume, son indignation face à Faubec et son égo surdimensionné en font une enfant refusant les préceptes de cette société reposant encore trop sur le patriarcat de grand papa. Elle est en cela la brillante élève de Mlle Kiglousse.

La tête à claques de service

Vous l'aurez deviné, c'est Faubec (Faux derche, Faux cul… comme vous voudrez) qui m'a fait penser immédiatement au taiseux Joffrey Barathéon dans "Game of Thrones". J'attends avec impatience de lire la suite pour voir si ce dernier va se faire moucher par nos trois héros.

Je pense que le tome 2 sera au programme des mes lectures du mois prochain car vraiment, j'adore ce genre de littérature de jeunesse qui ne prend pas les gamins pour des imbéciles.
Lien : https://mespetitsplaisirsamo..
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